Jérôme Valcke, le 11 octobre 2017, à Lausanne. / Cyril Zingaro / AP

Le 27 juillet, le Tribunal arbitral du sport (TAS) avait confirmé la suspension pour dix ans du Français Jérôme Valcke, l’ex-secrétaire général de la Fédération internationale de football (2007-2015). Les « juges » de Lausanne allaient ainsi dans le sens des sanctions prononcées à son encontre, en 2016, par les instances disciplinaires de la FIFA.

Alors que le TAS vient de publier ses conclusions, il apparaît que le Parisien, 57 ans, utilisait régulièrement des jets privés pour lui et sa famille. Entre janvier 2011 et septembre 2013, les vols en jets privés pris par des cadres de la FIFA auraient coûté 11,7 millions de dollars (9,9 millions d’euros), M. Valcke en étant en grande partie responsable, selon les attendus de la décision du Tribunal arbitral. Lesquels reprennent un mémo interne datant de 2013 et adressé au Français pour lui demander de trouver des solutions « alternatives et moins coûteuses ».

Durant son mandat de secrétaire général, M. Valcke « a effectué quatre voyages qui ne s’inscrivaient pas dans la politique de déplacements de la FIFA, car l’usage de jets privés ne répondait pas à des exigences de sécurité ou de réduction des coûts et parce qu’il était accompagné de membres de sa famille aux frais de la FIFA », peut-on lire.

« Jamais je n’ai puisé dans les caisses »

En septembre 2012, à l’occasion d’un déplacement à New Delhi, celui qui est alors le bras droit de Sepp Blatter à la tête de la FIFA en aurait profité pour visiter le Taj Mahal, en compagnie de sa femme et de l’un de ses fils.

Au Monde, M. Valcke assure qu’il a payé ledit voyage et que « les autres trajets ont été validés » par la FIFA et son directeur financier, Markus Kattner, limogé en juin 2016. « La FIFA me charge et personne n’essaye de faire la part du vrai et du faux. Aucun voyage n’était faisable sans une validation, rétorque-t-il. Jamais personne n’a fait d’objection et jamais je n’ai puisé dans les caisses ni fait un voyage sans suivre les règles internes. »

« Je n’accepte pas que l’histoire soit réécrite, martèle l’ex-numéro deux de l’organisation mondiale, désormais installé à Barcelone, où il a créé une société spécialisée dans l’événementiel. Je pense que mes vols représentaient une portion mineure des vols privés au sein de la FIFA et nos règles internes autorisaient le secrétaire général à utiliser des avions privés. Je n’ai jamais reçu, durant mes années à la FIFA, la moindre réprimande pour ma façon de voyager. »

Un vol privé pour Doha, au Qatar est également pointé par le TAS. « L’émir du Qatar est un chef d’Etat et donne un rendez-vous avec un calendrier chargé. J’ai pris un avion privé pour parler de la Coupe du monde 2022, de son changement de calendrier de l’été à l’hiver [pour des raisons climatiques], et pour évoquer l’autorisation de ne pas jouer la Coupe des confédérations au Qatar, compte tenu de ces problèmes », détaille M. Valcke.

Selon les attendus du TAS, il s’est aussi rendu en jet privé, en juillet 2015, à Saint-Pétersbourg pour participer à une réunion du Comité exécutif et au tirage préliminaire du Mondial russe de 2018. Il était accompagné de son épouse, sa fille, ses deux fils et une nounou. Il avait fait venir son fils Sébastien de Sao Paulo à Zurich « en business aux frais de la FIFA ». Le surcoût est évalué par la FIFA à « environ 71 699 dollars qui n’ont pas été déduits du salaire de M. Valcke ».

Soupçons de conflit d’intérêts

« Le voyage pour Saint-Pétersbourg avait été validé et signé par Blatter à la demande de Kattner. Tout était valable, se défend Valcke. Les avocats de la FIFA nous déconseillaient de voyager, nous faisant craindre une arrestation. »

Deux mois auparavant, des responsables du football mondial avaient été arrêtés à Zurich sur ordre des autorités américaines. « Blatter a décidé que lui et moi devrions nous rendre en Russie en vol privé, développe Valcke. Je voyageais avec le trophée de la Coupe du monde et il était aussi normal de prendre un tel vol. »

M. Valcke est également sanctionné pour « conflit d’intérêts » pour avoir abusé de sa position en aidant son fils Sébastien à obtenir une juteuse rémunération, dans le cadre d’un contrat de 709 000 dollars (605 000 euros) entre la FIFA et la société EON, pour l’utilisation d’une prestation de réalité virtuelle durant le Mondial au Brésil.

« Mon fils travaillait pour une société qui a proposé ses services à la FIFA pour la Coupe du monde 2014, explique l’ex-numéro deux de la FIFA. La division marketing de la FIFA a décidé de sceller un contrat avec cette société. Mon fils a reçu 50 000 euros ou moins de commission par cette société. Je n’ai jamais participé aux négociations et n’ai jamais demandé à la FIFA de conclure un contrat. Aucun document ne démontre le contraire. La division marketing a d’ailleurs décrit, dans son rapport, le partenariat comme excellent. »

Egalement mis en cause dans une affaire de revente de billets du Mondial 2014, M. Valcke a par ailleurs été reconnu coupable d’avoir « détruit des preuves ». Il a admis avoir « supprimé 1 034 documents ou fichiers de son ordinateur professionnel » entre le 24 septembre et le 11 octobre 2015, la veille de rendre son ordinateur à la FIFA après avoir été mis à pied puis suspendu.

Déjà impliqué dans d’autres affaires

Jérôme Valcke est accusé, entre autres, d’avoir tenté de brader les droits télévisés des Mondiaux 2018 et 2022 lors de ses négociations avec l’Union caribéenne de football (CFU, pour Caribean Football Union, en anglais), en mars 2011, en amont de la réélection de M. Blatter. La CFU était alors présidée par le Trinidadien Jack Warner, aujourd’hui suspendu à vie.

Démis de ses fonctions en septembre 2015, licencié « avec effet immédiat » en janvier 2016 par la FIFA, et rémunéré à hauteur de 1,9 million d’euros annuels en 2015, le Français est également dans le viseur du ministère public de la confédération helvétique.

Lui ainsi que Nasser Al-Khelaïfi, président du Paris Saint-Germain et président-directeur-général de beIN Media, font l’objet d’une procédure pénale du parquet suisse pour « corruption privée », en lien avec l’octroi de droits média pour plusieurs Coupes du monde.

M. Valcke avait fait appel de la décision du TAS devant le Tribunal fédéral suisse.