Manuel Valls à Barcelone (Espagne), le 25 septembre. / ALBERT GEA / REUTERS

Sur l’estrade de la salle de conférence de l’hôtel NH Calderon, situé sur la Rambla de Cataluña, Manuel Valls transpire. Le thermomètre marque 25 °C, mercredi 26 septembre, à Barcelone. « Vous m’entendez ? », demande l’ancien premier ministre français en tentant de garder le sourire. Le fin micro du pupitre ne fonctionne pas. « C’est oui ou c’est non ? », insiste-t-il régulièrement, feignant la décontraction. « Non », répondent en cœur les cameramen espagnols et français. Après de longues minutes, il doit se résoudre à prendre un micro à la main. Un peu plus tard, c’est le carton « Valls 2019 » qui se détache du pupitre et tombe au sol. « N’allez pas y voir un symbole », dit-il ironiquement avant de s’accouder au pupitre et proposer d’organiser lui-même la prochaine conférence de presse. Déjà, la veille, la taille de la salle choisie pour annoncer sa candidature à la mairie de Barcelone, limitée à 150 personnes, avait obligé les organisateurs à laisser des dizaines de journalistes et des invités dehors…

Ce lancement un peu chaotique de sa candidature n’augure effectivement rien du résultat qui attend M. Valls lors des municipales en mai à Barcelone, où l’échiquier politique est très ouvert. Mais il illustre bien le fait qu’en relançant sa carrière politique dans la cité catalane, le député de l’Essonne – pour encore quelques jours –, repart en fait presque de zéro.

Son équipe de communication n’est pas encore rodée, son programme, qu’il a vaguement ébauché, doit être concrétisé et rédigé, sa connaissance de Barcelone, de ses quartiers et de ses habitants s’approfondir et sa liste reste à former.

Méconnu des Barcelonais

Il entre, en outre, sur un terrain politique très différent qu’en France, avec des marqueurs traditionnels de la gauche et de la droite brouillés par la question territoriale, et où la défense de l’unité de l’Espagne est facilement associée à des positions de droite. M. Valls y fait référence quand il estime qu’il n’est pas tolérable d’opposer « indépendantistes » d’un côté et « fascistes » de l’autre. Il doit enfin s’adapter à une autre culture politique, dont il critique « les insultes » trop faciles entre candidats.

Surtout, M. Valls a beau avoir été premier ministre en France, il reste encore méconnu pour de nombreux Barcelonais. Il suffit d’interroger des passants au hasard dans le métro, un groupe d’ouvriers affairés sur la voie publique, un cycliste arrêté à un feu ou une mère et sa fille attablées à une terrasse – tous ignorant sa candidature et même son nom –, pour se rendre compte que l’excitation médiatique des derniers jours n’a pas encore fini de porter ses fruits.

« Je ne vote pas à droite. Il est proposé par Ciudadanos, je ne crois pas en sa prétendue indépendance »

Parmi les Barcelonais qui le connaissent, certains manifestent leur enthousiasme pour la projection internationale de sa candidature et son expérience aux plus hautes fonctions d’un grand Etat européen. « C’est une candidature osée, très positive pour Barcelone car il a une grande expérience », estime Léo, professeure à la retraite de 60 ans, assise à une terrasse de la place de Catalogne, qui lui donnera son vote sans hésiter. Mais d’autres lui ont déjà collé l’étiquette de candidat de Ciudadanos, de la droite et des riches, bien qu’il ait choisi de se présenter comme un « candidat indépendant ». « Je ne vote pas à droite, tranche Asucena, salariée d’un centre de formation de 62 ans. Il est proposé par Ciudadanos, je ne crois pas en sa prétendue indépendance. »

La plate-forme de Manuel Valls, baptisée « Barcelone, capitale européenne », entend être une « solution pour les gens qui en ont assez de la paralysie politique qui affecte la ville de Barcelone » et ouvrir un « chemin de croissance, de progrès, de projection internationale, d’opportunité, de sécurité et de civisme », en incorporant des gens « de tous les horizons de Barcelone », a-t-il déclaré. Mais il n’a dévoilé aucun nom de ceux qui pourraient l’accompagner dans cette aventure. « Nous avons le temps », a-t-il insisté, tout en avançant qu’il présentera officiellement sa plate-forme et une partie de son équipe en novembre.

Quant aux accusations de « trahison » venue d’Evry (Essonne), la ville dont il a été maire, il a répondu qu’il a été fidèle à la ville « durant 19 ans ». Aux électeurs des prochaines législatives partielles qui s’y tiendront, il a envoyé un message simple et définitif : « Respectez mon choix de vie. »