Le prince Noctis (au centre) et ses amis repartent sur les routes, cette fois dans une version allégée. / Square Enix

Quand il joue aux Playmobil, un enfant ne connaît pas la contre-plongée. Son angle à lui, c’est la vue de dessus, à genoux au-dessus de ses petits personnages. Final Fantasy XV Pocket Edition HD, sorti mi-septembre sur Switch, PlayStation 4 et Xbox One, est ce qui se rapproche le plus de ces lointaines aventures, qui pour toutes éraflures ne laissaient que quelques marques de tapis aux genoux.

Alors que la saga des Final Fantasy s’est fait connaître en Occident pour ses mondes imaginaires grandioses et sa mise en scène pompière, comme le Final Fantasy XV de 2015, cette version nomade remastérisée en haute définition en offre une relecture simplifiée et abrégée.

L’unique caméra est en vue de dessus, la direction artistique est devenue ronde et cartoon comme des figurines PlayMobil, et là où l’aventure canonique était une épopée d’une trentaine d’heures, voire le double pour explorer de fond en comble les trois continents du monde d’Eos, il concentre son récit sur une petite douzaine.

FINAL FANTASY XV POCKET EDITION HD - Launch Trailer - Nintendo Switch
Durée : 02:15

Comme un train dans la nuit

Final Fantasy XV Pocket Edition n’a qu’un mot d’ordre : aller à l’essentiel. Il fait penser à cette phrase de François Truffaut : « Un train avance comme un train, un film avance comme un train dans la nuit. » La production de Square Enix avance de façon linéaire, cadencée, rapide et entraînante. Le récit ne s’arrête à quai qu’à quelques étapes clés de l’histoire, zappant les multiples petites gares locales qui font habituellement le plaisir d’un jeu d’aventures. C’est un RPGGV – un jeu de rôle à grande vitesse.

« FFXV Pocket Edition HD » se focalise sur certaines séquences, revisitées dans un look « SD » (Super déformé). / Square Enix

Tout est fait pour : un marqueur pointe en permanence la direction du prochain objectif, les personnages montent en niveau automatiquement, les zones d’exploration sont réduites à portion congrue, les alliés épaulent très activement le héros. FF XV Pocket n’est pas seulement un voyage rapide, c’est aussi un trajet tout confort, facile et ronronnant. Il y a un certain plaisir à progresser dans une quête élaguée des lenteurs habituelles du genre. Mais il manque, fatalement, le souffle de l’œuvre originale.

Jouer à jouer à un autre jeu

« Le monde est bien plus grand qu’on l’imagine. » C’était sur cette phrase programmatique que s’ouvrait Final Fantasy XV, road movie fantastique à l’échelle étourdissante. En son cœur, le récit initiatique de Noctis, un prince adolescent entouré de sa bande de copains, propulsés dans une vie d’adulte faite d’émerveillements et de dangers dépassant leurs attentes. Un programme difficile à compacter sans perdre l’intérêt même du jeu.

Que peut espérer sa version Pocket Edition HD ? Raconter l’histoire de Noctis ? Emuler l’ivresse du voyage ? Mettre en scène des combats impressionnants ? Evoquer l’immensité d’Eos ? Il tente un peu tout, mais ne réussit rien. Pour emporter le joueur dans son aventure, il aurait fallu qu’il soit ciselé dans son récit, son rythme et ses moyens. Or Final Fantasy XV Pocket Edition HD est une chaussure pour enfant qui aurait été découpée à la hâte dans une bottine d’adulte : rien n’y est à la bonne forme, à la bonne taille.

Ce qu’il reste de « FFXV », ce sont essentiellement des combats vus de dessus, dans un registre finalement très classique, celui du hack’n slash. / Square Enix

Des personnages apparaissent et disparaissent sans avoir eu le temps d’être développés, des lieux fascinants sont expédiés en une séquence, des monstres colossaux en quelques coups d’épée, laissant en permanence un goût de trop peu. Ce Final Fantasy-là ne s’apparente pas tant à une locomotive express qu’à une caravane de bric et de broc. C’est un assemblage de scènes, de combats et de personnages que plus grand-chose ne relie, la faute aux nombreuses coupes. Le résultat est un arlequin-ragoût, mélange adultère de tout.

Relever la nuque

Ce qu’il reste, c’est un plaisir un peu étrange et méta, celui de jouer à jouer à un autre jeu. Ce n’est pas Final Fantasy XV, non. C’est son imitation officielle rondelette, sa version Playmobil, aux personnages modélisés de manière schématique, aux décors réduits à quelques textures fixes, perpétuellement vus de dessus, comme pour ne pas trop s’y croire. Pour reproduire le slogan de la célèbre gamme de jouet, le jeu semble chanter « en avant les histoires » : c’est au joueur de se les raconter, dans sa tête.

Pour reprendre cette citation apocryphe d’Albert Einstein trouvée sur Twitter, « Deux choses sont infinies : l’Univers et Final Fantasy XV ; et je ne suis pas sûr pour l’Univers. » Pocket Edition est sa version boule à neige, et c’est sa petite beauté à lui. Celle de savoir évoquer la grandeur de son modèle sans jamais la concurrencer.

De « FFXV », on retrouve les personnages, la trame principale et le squelette du jeu, mais la contemplation, la liberté d’exploration et l’ampleur ont disparu. / Square Enix

Au prisme de cette petite production gentillette, raccourcie et biscornue, sorte de version e-book d’un classique, Final Fantasy XV passe soudain pour un incunable du jeu vidéo. Alors, on le relance. Par curiosité. Dès les premières secondes, le regard s’élève, une chaîne de montagnes majestueuse se dresse au loin, des cumulonimbus zèbrent le ciel, et ce qui n’était plus qu’un tas de PlayMobil cloués à un tapis de chambre redevient ce pays imaginaire gigantesque et enivrant qui chantait l’aventure et l’exploration. « Les films avancent comme des trains dans la nuit », disait Truffaut. Les jeux vidéo, eux, ont parfois besoin d’escales pour exister.

En bref

On a aimé :

  • Redécouvrir un grand jeu en version accélérée
  • Les musiques prenantes et les voix françaises
  • La direction artistique pas déplaisante

On n’a pas aimé :

  • L’histoire saucissonnée de manière peu compréhensible
  • L’impression de voyage et de dépaysement sacrifiés
  • Les boss quelconques, vus de dessus

C’est plutôt pour vous si…

  • Vous n’avez pas le temps de finir le « vrai » Final Fantasy XV
  • Kawaii > réalisme visuel
  • Vous aimez les aventures qui vous prennent la main

Ce n’est plutôt pas pour vous si…

  • Vous aimez vous perdre dans des mondes ouverts
  • Vous n’aimez pas lire des romans auxquels il manque des pages

La note de Pixels

XV Pocket Edition HD/20