L’avis du « Monde » – à voir

Petite paysanne : telle est Pauline (Mélanie Thierry), jeune éleveuse qui n’a jamais connu que la ferme, et tente de vivre de ce rude métier alors qu’un méchant virus s’abat sur ses vaches, comme un écho à Petit paysan (2017), d’Hubert Charuel. Dans les deux films, le personnage principal a une sœur médecin (ou vétérinaire) qui essaie de faire entendre la « raison médicale », avant qu’il ne soit trop tard pour le troupeau. Mais tandis que Petit paysan est un thriller, Le vent tourne, de la réalisatrice suisse Bettina Oberli, est un drame sentimental, sur fond de critique du capitalisme et d’alternative écologique. Méconnue en France, Bettina Oberli est très identifiée en Suisse où l’un de ses précédents films, Les mamies ne font pas dans la dentelle (2006), a été un grand succès.

Pauline et Alex (Pierre Deladonchamps) vivent dans le Jura et poursuivent un même idéal : vivre loin du consumérisme, le plus naturellement possible, en dehors du système. Pas de médicaments pour les bêtes, pas de comptes à rendre. Il ne manque plus que l’éolienne à leur bonheur, laquelle leur permettra de produire de l’électricité en toute autonomie. « C’est un projet, l’autonomie » : phrase prémonitoire et à double sens.

La fatigue et le doute habitent le visage de Mélanie Thierry, dont la beauté de madone est magnifiée

L’arrivée de la machine et de son installateur, Samuel l’ingénieur, incarné par le Portugais Nuno Lopes, va ébranler les certitudes de Pauline, ainsi que son couple. Autre perturbation : la présence pendant les vacances d’été d’une jeune fille à la santé fragile, Galina (Anastasia Shevtsova), venue de Tchernobyl pour reprendre des forces. On comprend vite que c’est elle qui va aider Pauline à y voir plus clair dans sa vie, et non l’inverse.

Dommage que l’on sente ainsi venir l’idylle entre Samuel et Pauline. De regards en frôlements, le montage nous conduit à n’attendre plus que « ça » : la blonde et le brun, la terrienne attachée à ses bêtes et le chef de chantier globe-trotter. Pourtant, et fort heureusement, le rôle de Mélanie Thierry est bien plus ample : la fatigue et le doute habitent le visage de l’actrice, dont la beauté de madone est magnifiée, pour ne pas dire surlignée – un simple chignon sur la nuque vaut tous les brushings de festival.

La roche se fissure

L’histoire d’amour n’est pas l’essentiel, elle est juste prétexte à réveiller Pauline. Elle ne crée pas véritablement de drame et donne lieu à une scène plutôt réussie : Alex est sans doute fou de jalousie, mais il pose une seule question à sa compagne. Et tout est dit. Pierre Deladonchamps fait évoluer son personnage avec beaucoup de sensibilité et de précision, qu’il joue l’amoureux, le malheureux, ou l’écolo radical lorsque tout part à vau-l’eau, l’éolienne, le troupeau…

Son amour repose avant tout sur l’harmonie trouvée avec cette femme qui partage, outre le dur labeur, ses valeurs. Que ces dernières viennent à vaciller et le couple ne fonctionne plus. C’est lors d’une discussion tout à fait sérieuse et politique que la roche se fissure : Alex et Samuel confrontent leurs modes de vie. Alors qu’ Alex défend ses choix alternatifs, Samuel lui rétorque : « Ton plaisir, il est où ton plaisir ? ». Et la boussole de Pauline s’agite : son bonheur est-il dans le pré ?

LE VENT TOURNE - Bande annonce
Durée : 01:23

Film belge, français et suisse de Bettina Oberli. Avec Mélanie Thierry, Pierre Deladonchamps, Nuno Lopes (1 h 27). Sur le Web : www.arpselection.com/category/tous-nos-films/drame/le-vent-tourne-464.html