L’audition de Christine Blasey Ford est prévue, jeudi 27 septembre, devant la commission judiciaire du Sénat, à partir de 10 heures à Washington. / J. SCOTT APPLEWHITE / AP

C’est le 5e épisode du feuilleton de la nomination de Brett Kavanaugh à la Cour suprême américaine et c’est le plus attendu. Il se déroule un an après le début de la vague #MeToo et avant les élections de mi-mandat. Il est prévu, jeudi 27 septembre, devant la commission judiciaire du Sénat, à partir de 10 heures à Washington (16 heures à Paris) et sera diffusé sur toutes les chaînes d’information états-uniennes.

Il rassemble un casting improbable, avec un juge catholique conservateur candidat à la plus haute juridiction des Etats-Unis accusé d’agressions sexuelles par une enseignante d’université et deux autres femmes. Une seule accusatrice, Christine Blasey Ford, témoignera sous serment au Sénat, avant Brett Kavanaugh. Si elle parvient à convaincre le président Trump, celui-ci a fait savoir qu’il pourrait renoncer à son candidat à la Cour suprême et lui chercher un remplaçant.

  • Premières révélations

Il y a deux semaines, la confirmation de Brett Kavanaugh semblait acquise, jusqu’à ce la sénatrice démocrate Dianne Feinstein sème le doute en annonçant qu’elle avait transmis au FBI des « informations » sur M. Kavanaugh. Le 13 septembre, le New York Times évoque un « comportement sexuel inapproprié » remontant aux années de lycée du juge. Le magazine New Yorker affirme, le 14 septembre, qu’une femme, non identifiée, accuse M. Kavanaugh d’avoir tenté de l’agresser sexuellement lors d’une soirée lycéenne à Bethesda, près de Washington, au début des années 1980.

  • Christine Blasey Ford témoigne, Trump accuse

Le 16 septembre, l’identité de l’accusatrice est dévoilée. Christine Blasey Ford, psychologue et professeur de psychologie clinique à l’université de Palo Alto, en Californie, âgée de 51 ans raconte en détail dans le Washington Post son agression par Brett Kavanaugh et un ami, Mark Judge.

Le président des Etats-Unis, Donald Trump, se dit curieux d’entendre sa déposition mais la vilipende aussi sur Twitter : « Si les attaques avaient été aussi graves que ce que dit le Dr Ford, il y aurait eu une plainte d’elle ou de ses parents aimants. »

Mme Blasey Ford hésite à témoigner, demande une enquête du FBI comme préalable à son audition. En vain. La majorité républicaine de la commission judiciaire, composée uniquement d’hommes, a demandé à Rachel Mitchell, une avocate spécialisée dans les délits à caractère sexuel, d’interroger Mme Ford.

  • Une deuxième accusatrice

Le 23 septembre, le New Yorker publie le témoignage de Deborah Ramirez, 53 ans, qui affirme avoir connu Brett Kavanaugh au début des années 80 à l’université de Yale. Catholique « pratiquante », habitant dans le Colorado, elle décrit une soirée de bringue au cours de laquelle Brett Kavanaugh aurait sorti son sexe devant elle, la contraignant à le toucher alors qu’elle le repoussait.

Son témoignage, qu’elle situe en 1983-1984 compte des zones d’ombre. Brett Kavanaugh dénonce un « dénigrement pur et simple ». Aucune audition de Deborah Ramirez n’est prévue par la commission judiciaire du Sénat.

Aucune audition de Deborah Ramirez n’est prévue par la commission judiciaire du Sénat. / BRIAN SKOLOFF / AP

  • Contre-feux de Brett Kavanaugh

Dans une lettre à la commission, Brett Kavanaugh assure le 24 septembre qu’il ne cédera pas face aux « efforts concertés pour détruire » sa réputation. Avec son épouse, il réserve à Fox News sa première interview depuis le début de l’affaire. Il affirme n’avoir « pas eu de rapport sexuel, ni rien s’en approchant, pendant toutes [ses] années de lycée et pendant plusieurs années ensuite », pour contredire l’image de jeune fêtard débridé brossée par ses accusatrices.

Le lendemain, le président s’en prend à Deborah Ramirez, estimant qu’elle « n’a rien » de concret contre Brett Kavanaugh. « Elle admet qu’elle était saoule, totalement confuse » lors de cette soirée, explique-t-il.

Dans une déposition écrite transmise au Sénat le 26 septembre, en prévision de son audition, Brett Kavanaugh se dit victime d’une campagne de calomnie et redit son innocence. Pour Donald Trump, les accusations portées contre son candidat relèvent d’une « arnaque » du Parti démocrate.

  • La « bombe » de la troisième accusatrice

Le 26 septembre, après quelques jours de suspens, Michael Avenatti, le médiatique avocat de la star du X Stormy Daniels, rend public le témoignage de Julie Swetnick. Son témoignage est le plus déstabilisant : cette employée du gouvernement fédéral, dont l’âge n’est pas dévoilé, dispose d’un haut degré d’habilitation pour traiter d’informations confidentielles.

Elle évoque, dans une déclaration sur l’honneur rendue publique, une dizaine de fêtes rassemblant des lycéens entre 1981 et 1983, durant lesquelles Brett Kavanaugh et Mark Judge, qualifiés de « frères siamois », buvaient de l’alcool en quantité puis se livraient à des « caresses » et des « pelotages » sur des jeunes filles sans leur consentement.

Elle témoigne avoir vu les deux lycéens, parmi d’autres, saouler et droguer des jeunes filles « afin qu’elles soient victimes de “viol collectif” dans une chambre attenante par un “train” de garçons ». Enfin, elle affirme avoir été elle-même victime en 1982 d’un viol collectif lors duquel Brett Kavanaugh et Mark Judge étaient présents. Elle dit en avoir parlé à au moins deux personnes peu après les faits.

Brett Kavanaugh a dénoncé un témoignage « sorti de la quatrième dimension ».

  • Coup de théâtre au Sénat ?

Après les auditions de jeudi, la commission judiciaire doit procéder vendredi à 9 h 30 (15 h 30 à Paris) à un vote de confirmation. Si Brett Kavanaugh franchit avec succès cette étape, le Sénat se prononcera en séance plénière en début de semaine prochaine.

Mais trois républicains pourraient avoir la clé de ce vote au Sénat, où le parti du président ne dispose que d’une courte majorité (51/49). Susan Collins, sénatrice du Maine, et Lisa Murkowski, sénatrice de l’Alaska, se sont déjà opposées au président et défendent le droit à l’avortement. Autre critique de M. Trump, Jeff Flake, sénateur de l’Utah, qui n’est pas candidat à sa réélection en novembre et pourrait quitter l’hémicycle sur un coup d’éclat. Il dit avoir reçu des menaces téléphoniques s’il n’apportait pas son soutien au candidat de Trump.