Le siège du MI6, l’agence du renseignement extérieur britannique, le long de la tamise à Londres. / BERTRAND LANGLOIS / AFP

C’est une deuxième déconvenue en moins de quinze jours pour le renseignement britannique. Le 26 septembre, la Commission des pouvoirs d’enquête, seule institution habilitée à recevoir les plaintes visant les agences de renseignement dans le pays, a considéré comme « illégales » les collectes d’information sur l’association Privacy International, avouées devant le même tribunal par le MI5 (renseignement intérieur), le MI6 (renseignement extérieur) et le GCHQ (service des renseignements électroniques).

Le 13 septembre, la Cour européenne des droits de l’homme avait par ailleurs condamné le Royaume-Uni pour violations de la vie privée et de la liberté d’expression, sans juger de l’existence même d’un système de surveillance massive dans le pays, mais en soulignant le manque de garanties juridiques suffisantes pour protéger les citoyens et les journalistes.

Au centre de ces décisions de justice, deux types d’informations collectées par les programmes de surveillance. Les renseignements britanniques ont d’abord avoué, en mars 2015, intercepter massivement les métadonnées des communications passées au Royaume-Uni — par exemple, la durée d’un appel téléphonique, l’identité de l’appelant et de son interlocuteur, la géolocalisation du téléphone, mais pas la discussion en elle-même.

Au mois de novembre 2015, le MI5, le MI6 et le GCHQ ont rendu public le fait que le contenu des communications passées par le réseau téléphonique et Internet était également intercepté — pendant plus de dix ans, cette surveillance était même inconnue des parlementaires britanniques.

Dès le mois de juin de la même année, l’ONG Privacy International, spécialisée dans la protection des données personnelles et la défense des libertés numériques, a déposé un premier recours devant la Commission des pouvoirs d’enquête britannique pour tenter de prouver, judiciairement, la portée de ces écoutes.

La décision du 26 septembre résulte de l’un de ces recours. Sans donner de détails sur les informations collectées, les agences ont reconnu la collecte et la conservation de métadonnées et de données concernant Privacy International. Le MI5 et le MI6 les ont conservées jusqu’en 2015, le GCHQ jusqu’en 2016. Mais si les deux dernières agences n’ont fait que collecter les données sans en inspecter le contenu, celles-ci ont été illégalement « examinées par des agents du renseignement intérieur britannique », le MI5, explique dans un communiqué Caroline Wilson Palow, membre de Privacy International.

L’absence de règles sur le temps de conservation et la suppression des données est également dénoncée par l’association — le MI5 a déclaré pour la première fois devant le tribunal avoir supprimé les données interceptées sur Privacy International le 24 septembre, soit la veille de la dernière audience. Aucune condamnation ni recommandation n’ont été prononcées par la cour, dans l’attente d’autres jugements sur le même recours.

« Est-ce qu’un tel espionnage, si bien qu’il soit autorisé, ne devrait pas être encadré par les garde-fous les plus stricts ? », s’est demandée l’ONG, qui voit cette étape comme une reconnaissance importante de la surveillance massive des communications. Son directeur, Gus Hosein, a envoyé une lettre au ministre de l’intérieur, Sajid Javid, pour lui demander des explications détaillées sur les données conservées sur l’association, et de prendre des mesures pour « s’assurer que des ONG travaillant à l’intérêt général ne soient pas l’objet d’une surveillance illégale de la part des services de renseignement ».