Jean-Charles de Castelbajac devant l’une de ses peintures murales, en juin 2017. / M. BARTHOUT

Arte, vendredi 28 septembre à 22 h 45, documentaire

Ben, Hervé Di Rosa, Gérard Garouste, Miquel Barcelo, Keith Haring, Charlotte Le Bon sont ou furent ses amis. Il a parfois dessiné à quatre mains avec eux, ils ont peint certains de ses modèles. Il vient de la haute (et détient le titre de marquis), a fréquenté les punks, dansé au Palace. Il est l’une des signatures les plus reconnaissables de la création vestimentaire contemporaine. Qui est-il ?

Jean-Charles de Castelbajac, 68 ans juvéniles, dont la sœur de cœur est la créatrice de mode britannique Vivienne Westwood, autre poil à gratter du métier qu’il connaît depuis 1971 et qu’on voit se tenir à son côté, en 2017, habillée d’un haut sur lequel on lit : « Motherfucker ». Pas de quoi offenser celui qui a fait un jour une robe estampillée : « Je suis toute nue en dessous ».

Il aime l’industrie

Pop, punk et grunge avant la lettre, Castelbajac a aussi habillé le pape Jean Paul II d’une nouvelle chasuble à l’occasion des Journées mondiales de la jeunesse catholique, à Paris, en 1997. Sans slogan, cette fois, mais avec une magnifique constellation brodée d’étoiles de couleur. Il a mêlé les blasons médiévaux et les personnages de bande dessinée ; sa palette, à la Mondrian, est constituée de vives couleurs primaires ; il a imaginé des vêtements décorés de logos sur lesquels était écrit « No Logo ».

Son premier « vêtement-manifeste » ? Une veste « taillée au cutter et au canif suisse » dans la couverture de son lit de pensionnat. Acte iconoclaste princeps qui a établi le ton et l’esprit du travail de cet amateur de rock qui fit baptiser son petit-fils dans la chapelle privée de son château – décorée par ses soins.

La haute couture ? Pas pour lui : il aime l’industrie. Le porno chic, les teintes neutres ? « Ce n’est pas mon territoire d’expression », dit cet enfant terrible aux excellentes manières. Ce qui explique que la presse l’éclipsa presque totalement au moment où régnait la sinistrose minimale de la mode des années 1990. Helmut Lang a rendu son tablier ; Castelbajac est toujours là, unique pour n’avoir copié personne, toujours à la mode pour n’avoir jamais cherché à l’être.

Un manteau en ours en peluche

Sa contemporaine et consœur Chantal Thomass raconte qu’à leurs débuts, l’idée n’était pas de gagner de l’argent, mais de s’amuser : « On faisait ce qui nous plaisait, quitte à déplaire, même aux journalistes et surtout aux clients ! » Castelbajac, dès 1971, fait « un inventaire du mauvais goût » qu’il transmue et rend désirable.

Il a peint un bâtiment de l’aéroport d’Orly, fait un manteau constitué d’ours en peluche pour Madonna, dessiné les vêtements de l’équipe des Etats-Unis pour les Jeux olympiques. Castelbajac a une sorte de douceur mélancolique en lui, mais son enthousiasme, sa curiosité est toujours intacte. Sur le site Internet de sa marque, au chapitre « Valeurs », on lit : « Joie de vivre - Optimisme - Confort - Liberté - Douceur - Tendresse - Evasion ces valeurs intrinsèques à la marque procurent un sentiment de bonheur et nous font voir la vie en cool-heures. »

Ainsi que le dit le créateur en conclusion de ce joli documentaire en forme d’autoportrait : « J’ai passé ma vie à mettre de l’art dans la mode comme si la mode n’était pas en soi suffisante. » Et sa lucide modestie lui fait ajouter, en belle définition de son métier : « L’artiste est là pour poser des questions ; le designer est là pour répondre à des questions. »

L’Epopée pop de Jean-Charles de Castelbajac, documentaire de Mathieu César, Stéphanie Trastour et Fabien Henrion (Fr., 2017, 52 min).