La chancelière allemande, Angela Merkel, à Berlin, le 27 septembre. / JOHN MACDOUGALL / AFP

« Nous ne sommes pas une poêle en Teflon ! » Si la phrase n’avait pas été prononcée par un célèbre économiste, on aurait pu croire qu’elle émanait d’un membre de l’équipe d’Angela Merkel. Il n’en est rien. L’économiste s’appelle Michael Grömling. Il est chef du département conjoncture de l’Institut économique de Cologne (IWK) et il parle de l’économie allemande.

Par un hasard du calendrier, le diagnostic automnal des quatre plus grands instituts économiques du pays, rendu public jeudi 27 septembre, tombe en même temps qu’une crise politique majeure pour Angela Merkel, jadis surnommée « poêle en Teflon » par les services secrets américains, pour sa capacité à résister à tout.

Faut-il y voir un signe ? Les économistes décrivent ce qui s’apparente au début de la fin de la longue phase d’expansion de la première économie de la zone euro, qui a débuté il y a six ans. « L’Allemagne doit se préparer au ralentissement », expliquait début septembre Stefan Kooth, de l’institut économique de Kiel (Schleswig-Holstein, nord), qui table sur la « fin prochaine » de la phase d’expansion.

Pour l’heure, l’Allemagne est toujours en croissance, soulignent les conjoncturistes, mais la dynamique ralentit nettement, et bien plus rapidement qu’envisagé il y a encore un an. L’économie, si robuste ces dernières années, ne devrait progresser que de 1,7 % cette année, et non plus de 2,2 %, comme attendu lors du diagnostic de printemps.

Elle ressent pour la première fois les soubresauts des attaques contre le libre-échange, principe qui se trouve au cœur de son modèle. « Nous voyons que les luttes commerciales ont des conséquences négatives. Le commerce mondial et les investissements stagnent ; les exportations allemandes font plus ou moins du surplace, » explique M. Grömling.

Marché du travail toujours très dynamique

Le climat commercial dans le monde est devenu « plus rude », notent les conjoncturistes dans leur rapport. Si l’Allemagne a jusqu’ici été peu touchée par les droits de douane nouvellement imposés par les Etats-Unis, la menace du président américain d’imposer les importations de voitures allemandes n’a pas été levée. Une telle mesure « ralentirait nettement » l’économie allemande, estiment les experts.

Ils identifient également d’autres facteurs de risque. Le Brexit approche, « sans qu’on puisse reconnaître à quoi ressemblera la relation entre l’Union européenne et la Grande-Bretagne. » Si les négociations venaient à échouer, préviennent les économistes, « l’économie allemande en souffrirait particulièrement. » L’Italie est un motif de préoccupation supplémentaire, de même que les crises argentine et turque, si elles venaient à s’étendre à d’autres économies émergentes.

Un autre élément, interne cette fois, a retenu l’attention des économistes. L’Allemagne est confrontée au problème du manque croissant de personnel qualifié, considéré aujourd’hui par la Chambre de commerce et d’industrie allemande (DIHK) comme la première cause de préoccupation des entreprises. Pour la première fois, ce facteur est décrit par les conjoncturistes comme un sérieux frein à la croissance. « Les entreprises ont apparemment de plus de plus de problèmes pour trouver suffisamment de travailleurs pour leur production », a déclaré Roland Döhrn, de l’Institut de recherche économique d’Essen (RWI), mercredi. « La production n’a pas pu maintenir le rythme élevé de l’année dernière, malgré des carnets de commandes toujours bien remplis », précisent les économistes.

Le manque de personnel qualifié est le corollaire d’un marché du travail toujours très dynamique. La population active en activité se rapproche du seuil des 45 millions de personnes, soit 5,5 millions de plus qu’en 2005. Cette évolution devrait se poursuivre, jugent les économistes, qui misent sur un taux de chômage à 4,5 % pour 2020. Conséquence : la consommation est forte, ce qui permet de compenser les effets négatifs enregistrés sur le plan du commerce extérieur.

Ces dernières années, la consommation a contribué pour deux tiers à la croissance nationale. La politique menée actuellement par le gouvernement devrait renforcer encore ce phénomène, grâce aux baisses d’impôt et de cotisations sociales accordées aux ménages. Le coût de cette politique financière expansionniste devrait se ressentir sur le budget de l’Etat, qui devrait cependant rester excédentaire. Si les experts attendent cette année un excédent budgétaire de 54 milliards d’euros, il devrait se réduire à 40 milliards l’an prochain.