Une pétition « contre le secret des affaires » en matière de santé publique a été lancée par une association de malades de la thyroïde, qui reproche à l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) de se retrancher derrière cet argument dans l’affaire du Levothyrox. Une accusation réfutée en bloc par l’institution, qui « dément avoir attendu la nouvelle loi sur le secret des affaires » pour répondre à un avocat de plaignants dans cette affaire.

La pétition adressée à la ministre de la santé, Agnès Buzyn, avait recueilli plus de 20 400 signatures samedi 29 septembre. Elle a été lancée par le Dr Philippe Sopena, conseiller médical de l’Association française des malades de la thyroïde (AFMT). Cette dernière regroupe des patients qui se plaignent des effets secondaires de la nouvelle formule du Levothyrox du laboratoire allemand Merck.

A l’occasion d’une des procédures judiciaires en cours, « un avocat de patients-victimes a demandé à l’ANSM de lui communiquer le dossier d’AMM [autorisation de mise sur le marché] de la nouvelle formule de ce médicament », selon la pétition. « Après plusieurs mois d’un retard injustifiable, l’ANSM ne lui a communiqué qu’un dossier expurgé, dans lequel manquaient, notamment, le lieu de production et le nom de l’entreprise qui fabrique le principe actif du Levothyrox », selon l’association.

Dans une lettre datée du 4 septembre, dont l’Agence France-Presse a obtenu une copie, signée de son service juridique et adressée à l’avocat, l’ANSM précise que cette transmission du document se fait « sous réserve de l’occultation préalable des mentions susceptibles de porter atteinte aux secrets légalement protégés, et notamment à la protection du secret des affaires ». L’association dénonce cette protection du secret industriel et commercial, en faisant référence à la loi « très récente et très controversée » du 30 juillet, dite loi du secret des affaires.

Effets indésirables

« Le nom du fabricant du principe actif est dans le dossier complet de l’AMM, mais la loi sur le secret industriel et commercial interdisait depuis 1978 déjà à l’ANSM de révéler cette information protégée », a déclaré à l’AFP le Dr Dominique Martin, patron de l’ANSM.
« Cette règle était donc en vigueur bien avant la toute récente loi sur le secret des affaires qui ne change pas nos obligations », ajoute-t-il. Il « dément que l’ANSM ait attendu cette loi de juillet 2018 pour répondre à l’avocat ».

« J’ai formulé ma demande à l’Agence du médicament en avril et elle m’a répondu en septembre. Ils ont attendu que la loi sur le secret des affaires soit définitivement validée en juillet par le Conseil constitutionnel pour invoquer cet argument », avait auparavant assuré l’avocat, Emmanuel Ludot, auprès du média en ligne Les Jours. « Nous ne pouvons tolérer que la défense des intérêts d’une entreprise privée passe avant l’intérêt général, en l’espèce la santé des citoyens », a renchéri de son côté un collectif de journalistes, Informer n’est pas un délit, qui combat la loi sur le secret des affaires.

L’ANSM indique avoir bien répondu à la question de l’avocat qui avait demandé « la copie intégrale de la décision d’AMM », « un dossier de vingt pages qui ne comporte pas le nom du fabricant du principe actif ». Et « dément », par conséquent, « avoir occulté [son nom]. Le produit étant d’origine chimique, la mention de fabricant d’un produit d’origine biologique était sans objet” » , précise-t-il.

Selon des chiffres officiels, 31 000 patients se sont plaints d’effets indésirables de la nouvelle formule du Levothyrox, arrivée sur le marché français fin mars 2017. « L’origine des produits composant le nouveau Levothyrox est uniquement européenne et on l’a déjà dit et écrit », a rappelé M. Martin en réponse aux insinuations selon lesquelles ces produits seraient d’origine asiatique.