Pourquoi les Catalans souhaitent-ils être indépendants ?
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Il y a un an, le 1er octobre 2017, plus de deux millions de Catalans se déplaçaient aux urnes pour participer au référendum sur l’indépendance de la région. Le « oui » l’avait alors emporté avec 90 % des voix soulevant beaucoup d’attente chez les militants indépendantistes.

« En ce jour d’espoir et de souffrances, les citoyens catalans ont gagné le droit d’avoir un Etat indépendant sous la forme d’une République », lançait, avec solennité, le chef du gouvernement catalan, Carles Puigdemont, au soir du scrutin. La suite a été plus compliquée.

S’en suivirent des mois de tensions entre Barcelone et Madrid, une mise sous tutelle de la région, des arrestations, « l’exil » de M. Puigdemont, de nouvelles élections… mais toujours pas d’indépendance. Un an après le scrutin – marqué notamment par des affrontements entre forces de l’ordre et militants –, la déception est, en effet, grande chez les sympathisants alors que le processus autonomiste est aujourd’hui au point mort.

Les dirigeants catalans ont toutefois démontré que leur capacité de mobilisation était intacte. Le 11 septembre près d’un million de personnes se sont rassemblées à Barcelone pour la traditionnelle Diada, fête nationale catalane. Mais un an après le vote, où en est aujourd’hui le mouvement indépendantiste en Catalogne ?

  • Des négociations toujours compliquées entre Barcelone et Madrid

En un an, les chefs de file des gouvernements espagnol et catalan ont changé de visage : à Madrid, le socialiste Pedro Sanchez a remplacé le conservateur Mariano Rajoy fragilisé par les affaires ; et à Barcelone, Carles Puigdemont, qui s’est exilé en Belgique, a dû laisser sa place à Quim Torra.

Avec l’arrivée de Pedro Sanchez à la tête du gouvernement espagnol, la situation s’est peu à peu apaisée entre les deux camps et les discussions ont repris ces derniers mois. Il a notamment levé la tutelle que Madrid exerçait sur la Catalogne depuis l’automne dernier. Mais la probabilité que la reprise du dialogue aboutisse à des solutions qui satisfassent les indépendantistes est nulle. Pedro Sanchez est toujours opposé à l’organisation d’un référendum d’indépendance de la Catalogne, que réclame Quim Torra.

Le premier ministre espagnol a proposé début septembre l’organisation d’un référendum sur un nouveau statut de la région, qui leur garantirait plus d’autonomie. Une proposition rapidement rejetée par les dirigeants indépendantistes. « Le processus d’indépendance est irréversible », a répondu Quim Torra. « Seul un référendum d’autodétermination accepté, contraignant et reconnu internationalement » serait valable à ses yeux. « Nous ne nous sommes pas manifestés pendant dix ans pour avoir plus d’autonomie, nous avons dépassé cette étape », a également lancé, Marta Villalta, porte-parole de la Gauche républicaine catalane (ERC), qui participe au gouvernement de M. Torra.

  • L’opinion publique catalane toujours divisée

Une personne enlevant les rubans jaunes accrochés par des militants indépendantistes à Premia del Mar, près de Barcelone. / Emilio Morenatti / AP

Il y a un an, la campagne avant le scrutin sur l’autodétermination a révélé une véritable fracture entre les pros et les anti-indépendance. Les débats étaient alors très tendus dans une même famille, entre amis ou collègues.

Des divisions profondes qui existent toujours dans la société catalane à l’image de la « guerre des rubans jaunes », comme l’a surnommée la presse espagnole, qui se déroule en ce moment en Catalogne. Symboles de soutien aux « prisonniers politiques » catalans, ces rubans jaunes sont accrochés par des manifestants indépendantistes et des membres des comités de défense de la République (CDR) dans les rues, sur les bâtiments publics et les arbres des villes ou des villages. Mais les unionistes se rassemblent et se retrouvent parfois la nuit pour enlever ces rubans.

Cet été, plusieurs bagarres ont éclaté entre ceux qui posaient des rubans jaunes et ceux qui les retiraient. Le président indépendantiste catalan, Quim Torra, a ainsi demandé à la police régionale, les Mossos d’Esquadra, d’agir contre « les groupes agressifs qui veulent faire peur aux militants pour la liberté des prisonniers ».

Et les dernières élections régionales en décembre 2017 ont montré que l’opinion publique est toujours divisée en deux blocs quasi équivalents. Les partis indépendantistes – Ensemble pour la Catalogne, ERC, et CUP – ont obtenu 47,5 % des voix tandis que les mouvements unionistes – Parti socialiste Ciudadanos et Parti populaire – ont récolté 43,3 % des voix. Ces derniers ont peut-être trouvé un nouveau chef de file, en la personne de Manuel Valls. L’ancien premier ministre français, très présent dans le débat public catalan et farouchement opposé à l’indépendance, a annoncé en début de semaine sa candidature pour les élections municipales de Barcelone.

Les divisions sont également présentes au sein même du camp indépendantiste entre les plus modérés de la Gauche républicaine (ERC), qui veulent abandonner la voie unilatérale, et les plus radicaux.

  • Des dirigeants encore en prison, Puigdemont en Belgique

C’est une des conséquences du référendum d’autodétermination du 1er octobre 2017 et de la proclamation de l’indépendance par le parlement catalan le 27 octobre. Treize leaders indépendantistes, dont l’ancien président régional Carles Puigdemont, sont poursuivis pour « rébellion » par la justice espagnole. Un procès est attendu pour cet hiver.

Neuf d’entre eux se trouvent toujours en prison préventive, dont Oriol Junqueras, ancien vice-président du gouvernement catalan, Carme Forcadell, ex-présidente du parlement régional ou encore les dirigeants d’associations indépendantistes Jordi Sanchez et Jordi Cuixart. Dans un geste d’apaisement du gouvernement de Pedro Sanchez, ils ont tous été transférés en juillet dans des prisons en Catalogne.

Cet été également, après le refus de la justice allemande d’autoriser l’extradition de M. Puigdemont où il se trouvait, le juge de la Cour suprême, Pablo Llarena, chargé de l’enquête sur la tentative de sécession de la Catalogne avait décidé de retirer les mandats d’arrêt européens et internationaux émis en mars contre l’ancien président catalan et quatre autres dirigeants indépendantistes. Le mandat d’arrêt reste toutefois en vigueur en Espagne.

Aujourd’hui en Belgique et empêché de conserver son fauteuil à la tête de la région catalane, Carles Puigdemont compte toujours peser dans la politique régionale et rassembler les autonomistes. Il a ainsi annoncé, cet été, la création d’un nouveau parti politique indépendantiste nommé « Appel national pour la République ». Celui-ci verra le jour le 27 octobre. Il assure avoir déjà 50 000 sympathisants et souhaite rassembler les indépendantistes, aujourd’hui divisés en trois groupes parlementaires – Ensemble pour la Catalogne, ERC, et CUP. « Le parti a comme objectif principal de rendre effectif le mandat du 1er octobre », a annoncé au cours d’une conférence de presse jeudi, Toni Morral, le porte-parole de M. Puigdemont.

Des militants séparatistes bloquent une ligne de train et des autoroutes

Des militants séparatises catalans bloquent la voie de train à grande vitesse à Gérone, dans le nord de la Catalogne, le 1er octobre 2018. / JON NAZCA / REUTERS

Des militants séparatistes catalans ont bloqué lundi matin une voie de train à grande vitesse à Gérone (ville du nord de la Catalogne), ainsi que des autoroutes et des artères de Barcelone pour le premier anniversaire du référendum d’autodétermination, interdit par Madrid et organisé le 1er octobre 2017.

« La voie de train à grande vitesse a été bloquée à Gérone, à 100 km au nord-est de Barcelone, les voies étant occupées », a annoncé la compagnie des chemins de fer Renfe. Les télévisions diffusent des images de militants des comités de défense de la République qui réclament la rupture avec Madrid, descendant sur les voies ou bloquant les routes. La régie du réseau routier a confirmé des coupures des autoroutes A7, entre Barcelone et Valence, et A2, qui relie la métropole catalane à Madrid.