Chronique. On n’a pas entendu sa voix dimanche soir lors de la diffusion de Lille-Marseille sur Canal +. A la suite d’un échange un peu vif avec son collègue Stéphane Guy, commentateur de Lyon-Marseille la semaine précédente, Laurent Paganelli a pris quelques jours de repos, sans que l’on sache vraiment s’il s’agit d’une décision de sa part ou d’une sorte de mise à pied. Peu importe.

La longévité télévisuelle de celui qui a fêté, en décembre dernier, ses vingt ans d’antenne sur la chaîne autrefois cryptée, toujours au poste de « journaliste de terrain », contraste avec sa carrière de footballeur professionnel, à la fois précoce et écourtée. Plus jeune joueur de première division (15 ans et dix mois) pour ses débuts avec l’AS Saint-Étienne en 1978, il retomba vite dans un anonymat dont il ne ressortit que bien après le terme de celle-ci.

Devenir « Paga »

Lorsqu’il effectue ses débuts cathodiques fin 1997, il est alors en proie à des difficultés personnelles et on n’aurait pas parié sur une telle persistance. « Homme de terrain » est un poste ingrat et subalterne, une discutable spécificité française inimaginable dans beaucoup de pays, dont la valeur ajoutée ne peut osciller qu’entre le néant et l’insignifiant. Vincent Hardy y disparut, Pascal Praud s’en éleva jusqu’aux cimes médiatiques que l’on connaît. Laurent Paganelli, lui, choisit de s’y installer.

A cette place, il se composa immédiatement un personnage – une faculté au fondement de nombreuses carrières télévisuelles – dont il ne dévia jamais. A coups de petites blagues et d’interviews burlesques, il devint « Paga », l’éternel boute-en-train du bord de touche.

Prenant parti de l’inanité de sa mission, il la transforma en exercice de dérision. Renonçant notamment à obtenir l’impossible (c’est-à-dire des propos intéressants de la part de joueurs sur le banc ou de leurs collègues au sortir de la pelouse), il opta pour un tutoiement décomplexé et des questions inextricables, ces échanges rigolards se concluant généralement par le fameux « En tout cas, on te le souhaite ».

Espéranto improvisé

Il y a de plus grands sujets de clivages dans le football, mais Paganelli divise assez radicalement. D’un côté, ceux qui lui savent gré de sa « fraîcheur » et des moments de rigolade offerts dans un univers de plus en plus balisé. De l’autre, ceux qui ne voient en lui qu’un cabotin exécutant un numéro éculé afin de masquer une expertise limitée. Pour ceux-ci, ses interviews menées avec les joueurs étrangers dans un espéranto improvisé relèvent d’une bouffonnerie irrespectueuse et gênante.

Il est vrai que le malaise n’est jamais très loin. Les blagues peuvent tomber à plat et la légèreté tourner à la désinvolture. Alors que d’autres diffuseurs disposent d’homologues multilingues, comme beIN Sports avec Anne-Laure Bonnet, Canal+ continue à jouer la carte de l’amateurisme sympathique.

Quand il interroge le néo-Marseillais Kevin Strootman (« Ze player of ze match, today. Grande rougador you »), cette énième version d’un sketch patenté évoque l’interview de Françoise Sagan par Pierre Desproges en 1975 : un moment entre gêne et comique auquel on ne sait trop comment réagir. L’interviewé en premier lieu, qui tente de donner un sens à des questions qui n’en ont pas… et se replie vers des réponses toutes faites.

Quand Strootman rencontre Paganelli: "You Are Grandé Small Player..."
Durée : 00:53

Syndrome du rigolo

Au moins se passe-t-il quelque chose. Il ne s’est rien passé près des bancs lillois et marseillais, dimanche soir, avec son remplaçant Rémy Vercoutre, gardien fraîchement retraité pourtant réputé pour ses sorties hasardeuses.

Peut-être Laurent Paganelli aimerait-il s’arracher au syndrome du rigolo, être pris un peu plus au sérieux. Il n’a cependant pas vraiment essayé de sortir de son rôle, lors de ses essais comme chroniqueur chez Laurent Ruquier en 2008 (Europe 1) ou protagoniste de rubriques potaches (« Le défi de Paga », à la même époque sur Canal). Et quand il lance son compte Twitter en juillet dernier, c’est encore pour faire le mariole…

L’incident de Marseille a pourtant montré que sa sensibilité affleure, qu’elle fait écho aux souffrances du prodige aux ailes brûlées – qu’il a parfois confiées. « C’est bon, la prochaine fois, je ne dirai plus rien », avait lâché Paga en conclusion de son accrochage. C’est peu probable : le différend semble réglé avec Stéphane Guy, qui lui a adressé un message aimable dimanche, et il pourrait retrouver sa place dès le week-end prochain. En tout cas, on le lui souhaite.