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Des fruits (Leetchi), des légumes (Pumpkin), des prénoms (Alan, Bruno, Max, Lydia) et même du latin (Ditto) : les fintech (contraction de finance et technologie) font décidément tout pour ne pas ressembler aux acteurs traditionnels de la finance. Ces start-up interviennent dans des domaines jusque-là réservés aux groupes bancaires : les moyens de paiement, le conseil financier, la gestion de patrimoine ou l’assurance.

Certaines d’entre elles jouent déjà dans la cour des grands, comme en témoigne le montant des levées de fonds réalisées en France en 2018 : 61 millions d’euros pour le spécialiste des cryptomonnaies Ledger, 32 millions d’euros pour Lendix (financement participatif) ou encore 23 millions d’euros pour Alan (assurance santé). Au total, les fintech ont levé pour 200 millions d’euros au premier semestre 2018, d’après l’association France Fintech. « Nous avons en France un environnement économique et réglementaire favorable à l’essor des services fintech. Il faut maintenant passer la vitesse supérieure côté financement pour leur donner les moyens de se déployer à grande échelle, y compris au niveau européen », estime Franck Guiader, directeur innovation et fintech du cabinet Gide Loyrette Nouel.

« Labs », incubateurs et autres « villages »

La France s’est ainsi dotée dès 2014 d’un cadre réglementaire pour le financement participatif (le crowdfunding). Mais surtout, la réglementation européenne, avec la directive sur les services de paiement (DSP), a ouvert la voie aux acteurs alternatifs en mettant fin au monopole des banques en matière de paiement. Entré en vigueur en novembre 2009, ce texte a permis à de nombreux acteurs de se lancer en s’appuyant sur les établissements historiques. Un mouvement renforcé par la DSP2 depuis cette année.

« Les banques n’ont pas peur des fintech. Le danger vient plutôt des Gafam, qui détiennent l’information sur les clients, ce nouvel or », explique Franck Guiader chez Gide Loyrette Nouel.

Les banques surveillent d’ailleurs de très près ces nouveaux acteurs, à grands coups de « labs », d’incubateurs et autres « villages » grâce auxquels elles accompagnent leur développement, comme chez BNP Paribas (Le Lab de L’Atelier), Crédit agricole (Le Village by CA), HSBC ou encore CNP (Open CNP). « Les fintech sont un laboratoire d’innovation à moindre coût pour les banques, qui les aident à se développer, les financent par des ­prises de participation, voire les rachètent dans certains cas », ajoute Marc Giordanengo, directeur du cabinet de conseil chez Ailancy.

L’an dernier, BNP Paribas a ainsi racheté Nickel, le compte distribué par les buralistes, mais aussi Gambit Financial Solutions, qui propose le « robo-advisor » (« robot-conseiller ») Birdee. De son côté, Crédit Mutuel Arkéa est au capital de Fluo, Grisbee, Leetchi, Linxo, Pumpkin, Yomoni ou encore Younited Credit. La banque mutualiste a même lancé sa propre structure, Nouvelle Vague, qui a lancé l’appli de paiement Max fin 2017.

Nouveaux standards

« Les banques n’ont pas peur des fintech. Le danger vient plutôt des Gafam, qui détiennent l’information sur les clients, ce nouvel or », explique Franck Guiader chez Gide Loyrette Nouel. Les Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft sont déjà présents sur le marché avec les solutions de paiement mobile Apple Pay et Samsung Pay, peu à peu proposées par certaines banques de réseau françaises, mais aussi par des fintech comme Max et Lydia.

« Les fintech poussent les acteurs historiques à évoluer. C’est une bonne nouvelle pour les clients, qui peuvent ainsi bénéficier d’innovations au sein de leur réseau. Les banques font notamment des efforts pour améliorer leur interface afin de s’adapter aux nouveaux standards des fintech, conçues autour d’une expérience client agréable », indique Julien Maldonato, associé conseil industrie financière chez Deloitte.

Reste à savoir si les clients sont prêts. Les jeunes sont les premiers à s’y mettre, avec les applis de remboursement entre amis ou les cartes alternatives à celles des banques. « Le paiement engage moins que l’épargne. Le passage à l’acte sera plus long dans ce domaine car le client reste rassuré de placer son argent dans une grande institution », estime Julien Maldonato chez Deloitte.