Les organisations syndicales ont qualifié la rencontre avec Benjamin Smith, le nouveau directeur général d’Air France-KLM (ici à Dublin, en juin 2016), de « franche et directe ». / Clodagh Kilcoyne / REUTERS

Benjamin Smith n’a pas manqué ses débuts. Pour la première fois depuis sa nomination, à la mi-août, le nouveau directeur général d’Air France-KLM a rencontré, lundi 1er octobre, les représentants de l’intersyndicale d’Air France. Une entrevue qualifiée de « franche et directe » par les dix organisations syndicales de la compagnie aérienne, qui représentent toutes les catégories de ­personnels.

La réunion a duré plus longtemps que prévu. C’est en anglais que le nouveau patron canadien d’Air France a répondu aux questions en français des syndicats. Toutefois, soulignent ceux-ci, M. Smith, en gage de bonne volonté, « a fait des efforts pour parler français ».

En dépit de la barrière de la langue, il semble que le directeur général ait marqué des points. Il n’a pas heurté de front le Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL), fer de lance d’un conflit de plusieurs mois qui a provoqué la démission de l’ex-PDG du groupe Air France-KLM, Jean-Marc Janaillac, le 4 mai. Il faut dire que M. Smith avait soigneusement préparé le terrain.

Quelques heures avant la réunion, les syndicats avaient appris le départ du directeur des ressources humaines d’Air France, Gilles Gateau, une de leurs têtes de Turc. Il quittera ses fonctions le 12 octobre. Son éviction fait suite à la démission, jeudi 27 septembre, du directeur général d’Air France, Franck Terner, l’autre bête noire des syndicats.Benjamin Smith « a fait le boulot », a jugé un délégué de SUD à l’issue de la rencontre. « Les changements à la tête du management démontrent la volonté du directeur général de renouer le dialogue social », a estimé Philippe Evain, le président du SNPL, qui a qualifié cette première rencontre de « riche ».

« Il a parfaitement compris nos problématiques »

Pour autant, les représentants des pilotes, comme ceux des autres catégories de salariés (personnels navigants commerciaux, etc.), ne semblent pas disposés à faire de concessions à leur nouveau patron. « Nous lui avons réitéré nos demandes », a souligné le SNPL. « L’intersyndicale lui a réaffirmé sa revendication salariale d’un rattrapage de 5,1 % pour l’ensemble des salariés d’Air France et la nécessité de solder le conflit en cours très rapidement », a déclaré Françoise Redolfi, déléguée de l’UNSA-PNC.

Pour M. Smith, qui s’est donné pour priorité de mettre un terme au conflit social, le temps presse. Les pilotes lui ont accordé un mois pour y arriver. L’échéance, fixée avant la fin du mois d’octobre, approche, et le SNPL s’attend à « un épilogue à très court terme ». A l’en croire, le patron de la compagnie franco-néerlandaise – et également directeur général d’Air France jusqu’à la fin de l’année – serait sur la même longueur d’onde, même si aucune nouvelle réunion avec l’intersyndicale n’a été programmée. « Il a parfaitement compris nos problématiques », affirme un délégué du SNPL. Surtout, ajoute le représentant des pilotes, Benjamin Smith « aurait parfaitement conscience qu’il doit sa place à un conflit non résolu ».

« Il sait très bien qu’il ne peut rien construire contre les salariés », observe Philippe Evain, président du Syndicat national des pilotes de ligne

Début mai, Jean-Marc Janaillac avait remis sa démission après le rejet (à plus de 55 %), par l’ensemble des personnels, de sa proposition d’accord salarial. Au terme de près de quatre mois de recherche infructueuse, le comité des nominations d’Air France-KLM avait finalement débauché l’ancien numéro deux d’Air Canada.

Face aux syndicats, M. Smith a fait part de sa volonté « d’agir vite ». Pas question pour lui de se mettre à dos la majorité des personnels de la compagnie. « Il sait très bien qu’il ne peut rien construire contre les salariés, et notamment les pilotes », plaide le président du SNPL, qui assure être prêt à jouer le jeu de la concertation directe avec le patron d’Air France.

« Sentiment d’injustice des salariés »

Si les premiers pas du directeur général semblent avoir été réussis, les organisations syndicales restent sur le qui-vive. Philippe Evain se dit « raisonnablement optimiste », mais il observe que, « pour l’instant, il n’y a rien de concret ». En pratique, syndicats et direction ne sont pas encore entrés dans le cœur de la négociation.

L’intersyndicale attend beaucoup du nouveau patron d’Air France. « Nous lui avons réitéré le sentiment d’injustice des salariés d’Air France face aux augmentations obtenues par les personnels de KLM : 4,5 % pour les salariés et jusqu’à 13 % pour les pilotes », note le président du SNPL.

Les syndicats s’interrogent sur la marge de manœuvre de Ben Smith. Ils se demandent quelle sera l’attitude du conseil d’administration de la compagnie vis-à-vis de leurs revendications. Pendant les mois de conflit émaillés d’une quinzaine de journées de grève, certains administrateurs se sont fortement opposés à la hausse des salaires réclamée par les représentants des personnels.

Les départs presque simultanés de M. Terner et de M. Gateau montrent que le nouveau patron du groupe a décidé d’en finir avec cette opposition de principe. Il faut dire que la grève a valu à Air France une perte sèche de 335 millions d’euros. Surtout, le directeur général ne voudra pas briser la dynamique positive retrouvée par la compagnie depuis cet été. « Juillet et août sont allés au-delà des objectifs (…) et les réservations sont bonnes jusqu’à la fin de l’année », s’est réjoui Patrick Alexandre, directeur général adjoint, chargé du commercial d’Air France-KLM, à l’occasion de l’ouverture du salon du tourisme Top Resa, mardi 25 septembre.