Les joueurs de Lyon et de Donetsk doivent s’habituer aux tribunes vides avant de s’affronter mardi 2 octobre. / JEFF PACHOUD / AFP

Les consignes des entraîneurs, les protestations plus ou moins correctes des joueurs ou encore l’intensité des contacts, tout ce qui est d’habitude couvert par le bruit de la foule sera audible. Sanctionné par l’UEFA, l’Olympique lyonnais (OL) s’apprête à disputer à huis clos, mardi 2 octobre dans la soirée, une rencontre de Ligue des champions de football à domicile, la première de son histoire.

Les Lyonnais, vainqueurs de Manchester City en ouverture (2-1), vont recevoir les Ukrainiens du Chakhtar Donetsk dans un stade de près de 60 000 places qui sonnera désespérément creux. Outre la presse et le personnel nécessaire à l’organisation du match, ne seront présents que trois cents invités de l’UEFA, deux cents suiveurs du club visiteur et moins d’une centaine de personnes côté OL, en incluant joueurs et staff. Autour, un dispositif de sécurité sera déployé.

« Les joueurs sont habitués à jouer dans des enceintes avec une ambiance minimum, là il n’y aura aucun bruit. On a sollicité sans succès l’UEFA pour savoir si on avait le droit de diffuser une bande sonore d’ambiance », déplore Xavier Pierrot, stadium manager (« gestionnaire de stade ») de l’OL. Lundi, l’entraîneur, Bruno Génésio, a tenté de relativiser : « Les saisons passées, on a eu des ambiances extraordinaires ici. Il faudra faire sans et c’est regrettable. Mais il faut accepter la sanction et trouver la motivation. »

Perte de recette de plus de 4 millions d’euros

Jusqu’à la semaine dernière, le club du président, Jean-Michel Aulas, a espéré échapper à ce huis clos. Hormis les désagréments sportifs, la perte de recette de billetterie s’élève à plus de 4 millions d’euros. Rendue fin d’août en première instance, la sanction a été confirmée en appel le 21 septembre. Décidé à porter l’affaire devant le TAS (tribunal arbitral du sport), Lyon y a renoncé. « Le délai était trop court », confie Xavier Pierrot.

Les faits incriminés remontent au 15 mars. Ce soir-là, l’Olympique lyonnais reçoit le CSKA Moscou en huitième de finale retour de la Ligue Europa. Avant la rencontre, hors du stade, des heurts opposent les forces de l’ordre à une centaine de supporteurs lyonnais encagoulés. L’OL est déjà sous le coup d’une période probatoire de deux ans pour un envahissement de la pelouse et des affrontements entre supporteurs, en avril 2017 lors d’une rencontre face au Besiktas Istanbul.

Les affrontements entre supporters lyonnais, du CSKA et les forces de l'ordre!
Durée : 02:21

Les juristes du club rhodanien parviennent à obtenir que le sursis soit réduit à quinze mois. Celui-ci s’achève donc en juillet, soit plus d’un mois avant que l’UEFA ne rende sa décision sur les incidents du match contre Moscou. Cela a peut-être agacé l’instance dirigeante du football européen. « On a accueilli cette décision comme une injustice. Pour nous, ces incidents ont eu lieu hors de notre responsabilité à l’extérieur du stade, sur le domaine public où l’on ne peut rien faire. L’UEFA voit les choses autrement : elle impute la faute au club organisateur », explique Xavier Pierrot.

« Pourquoi punir 50 000 personnes ? »

Habitué du virage nord, dont il a été abonné pendant dix ans jusqu’à la saison passée, Sébastien était présent lors de ces événements. Il trouve lui aussi la sanction sévère : « On n’a pas trop compris ce qui se passait, ça s’est déroulé à l’extérieur, devant un bar à l’arrivée des tramways [à quelques centaines de mètres du parvis du stade]. Pourquoi punir 50 000 personnes alors qu’il n’y a que cent gars qui ont chargé la police et mis le bazar ? J’ai toujours trouvé que les sanctions collectives n’avaient aucun sens. »

Pour ce supporteur de 35 ans, le club n’a toutefois pas toujours été exempt de reproche. Il pointe une gestion de la billetterie qu’il estime défectueuse en 2017 contre Besiktas et qui avait conduit à l’afflux de plus de 20 000 supporteurs turcs.

« On avait pourtant averti que les Turcs achetaient les billets cinq par cinq. Aulas s’était moqué de nous sur Twitter, disant que l’on était idiot et que tout était sous contrôle », rapporte-t-il avant de regretter que le dossier lyonnais s’alourdisse : « A presque chaque déplacement, il y a une bagarre, comme en Ligue Europa à Rome (2017) ou à Bergame (2017). L’UEFA a voulu envoyer un message. Comme souvent, les sanctions sont en décalage et prises un peu n’importe comment. »

Salut nazi

Fin septembre, deux autres événements ont remis certains supporteurs sous le feu des projecteurs. Le 19 septembre, à Manchester, un fan lyonnais a été filmé en train d’effectuer un salut nazi. La séquence a été largement diffusée. L’OL a rapidement condamné. « C’est un acte individuel, que l’on ne peut pas empêcher mais que l’on doit sanctionner a posteriori très fermement. Nous l’avons identifié et les informations ont été transmises à la justice. Dès le lendemain matin, il a reçu un courrier pour lui signifier une interdiction de stade à vie », défend Xavier Pierrot.

Le 23 septembre, alors que l’OL gagne l’un des sommets de la Ligue 1 face à l’OM (4-2) et que quelques débuts de bagarre éclatent dans les gradins, un tract diffusé sur les réseaux sociaux a fait polémique. Cet édito, signé par les Bad Gones — l’un des principaux groupes de supporteurs — dans un magazine interne au Kop virage nord, décrivait en termes peu amènes la ville de Marseille. Jean-Michel Aulas s’en est désolidarisé, le décrivant comme « odieux ». La justice a ouvert une enquête. Les principaux intéressés se sont défendus en évoquant « le folklore des groupes de supporteurs » et en dénonçant « une chasse aux sorcières ».

« Une remise en question obligatoire »

Historiquement, quand les ultras marseillais se situent plutôt à gauche politiquement, les kops lyonnais sont, eux, considérés très à droite. « C’est sûr que le noyau dur n’est pas composé de “mélenchonistes”. Le problème c’est qu’il y a parfois des relations poreuses avec le milieu identitaire lyonnais. Mais c’est faux de dire qu’ils sont 6 500 racistes. Cela représente 200 mecs, décrit Sébastien, le supporteur lyonnais. Les autres sont là pour chanter car c’est le seul endroit du stade avec une vraie ambiance et parce que l’abonnement est moins cher. »

Encore sous le coup d’un match européen à huis clos avec sursis, l’OL a tout intérêt à se pencher sur la question de ses supporteurs. Privilégier le dialogue avec ses ultras, parfois turbulents, et faire le ménage parmi ceux, la minorité radicale, qui utilisent le stade comme une tribune politique. « Il y a une remise en question obligatoire. On doit mieux faire. Nous avons des idées à mettre en place et des fonctionnements à faire évoluer. On sait que l’on est scrutés par les médias et l’UEFA. On se doit d’être irréprochables », assène Xavier Pierrot

Une première mesure a été annoncée et elle paraît bien secondaire. Des filets seront placés devant les virages lors des matchs de Coupe d’Europe pour éviter les jets de gobelets et de boulettes de papier. Face à Donetsk, et pour cause, la mesure sera inutile. Elle sera inaugurée le 7 novembre lors de la réception des Allemands d’Hoffenheim.