Le ministre de l’intérieur démissionnaire, Gérard Collomb, à l’Elysée, le 3 octobre 2018. / PHILIPPE WOJAZER / REUTERS

En pleine crise au sommet de l’Etat, Emmanuel Macron a qualifié de « péripétie » mercredi 3 octobre la démission de Gérard Collomb au moment même où l’ex-ministre de l’intérieur est arrivé à Lyon pour reconquérir la mairie. « Je vous rassure. Il y a un cap, des institutions, un gouvernement au travail, au service du pays et du peuple français. C’est ce qui compte. Le reste, ce sont des péripéties », a assuré le chef de l’Etat lors de sa visite au Mondial de l’automobile.

« Je ne suis jamais dans le commentaire, je suis dans l’action », a-t-il ajouté, coupant court aux autres questions sur la crise qui agite l’exécutif avec ce nouveau départ d’un poids lourd, remplacé provisoirement par le premier ministre, Edouard Philippe.

Les policiers « sans ministre »

Pas de crise ? Ce n’est pas l’avis de l’opposition qui, à droite comme à gauche, a partagé sa « consternation » devant ce départ précipité de Gérard Collomb. Marine Le Pen a ainsi déclaré, cinglante, sur CNews en début de soirée : M. Macron « est en quelque sorte un funambule, il y a du vide en dessous de lui, pas de majorité ou une majorité absente, inexistante, personne n’a émergé à ses côtés ».

Le remplacement de Gérard Collomb Place Beauvau « est l’affaire de quelques jours », a informé le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, qui a refusé de préciser si ce remaniement allait être plus large qu’un simple remplacement poste pour poste. En attendant, c’est Edouard Philippe qui joue au pompier de service, assurant à l’Assemblée, dans une ambiance électrique, que la sécurité des Français était « assurée ».

Selon Jean-Claude Delage, secrétaire général d’Alliance, « les policiers se posent la question de savoir pourquoi ils n’ont plus de ministre ».

« Dans le contexte actuel de menace terroriste, de pression migratoire, de conditions de travail dans la police, c’est ahurissant. »

« Chienlit »

Emmanuel Macron perd son troisième ministre d’Etat depuis son arrivée à l’Elysée, après la démission de François Bayrou en juin 2017 et celle de Nicolas Hulot en septembre dernier. Des six principaux membres du gouvernement dans l’ordre protocolaire en place au début de son mandat, il ne reste plus que Jean-Yves Le Drian, aux affaires étrangères. Emmanuel Macron « n’est plus le maître des horloges », en a déduit Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains (LR) au Sénat.

« C’est la chienlit au sommet de l’Etat », a commenté Boris Vallaud, le porte-parole du Parti socialiste (PS). « Tout le monde s’est gaussé de François Hollande qui, finalement, avec le recul, ne se débrouillait pas si mal que ça, malgré les frondeurs », a estimé Maurice Leroy, vice-président UDI-Agir à l’Assemblée.

Pas le bienvenu à Lyon

Gérard Collomb, lui, est arrivé tout sourire au milieu d’une forêt de caméras mercredi à Lyon, où il devrait rapidement retrouver son poste de maire, qu’il a déjà occupé pendant seize ans :

« Il n’y a pas crise politique, là où je suis je continuerai à aider le chef de l’Etat (…) je veux qu’il réussisse. »

Gérard Collomb l’a également annoncé en « une » du quotidien régional Le Progrès : il revient à Lyon « maintenant ». Mais tout le monde ne l’attend pas bras ouverts. Georges Képénékian, qui l’avait remplacé à l’hôtel de ville, a convoqué la presse à la mi-journée : « Ma démission doit être actée par le préfet. Dès lors nous aurons dix à quinze jours pour convoquer un conseil municipal extraordinaire », déclare-t-il, précisant qu’il redeviendra alors premier adjoint.

Dans l’opposition, ce retour provoque l’indignation, et les termes sont violents. « Des manœuvres d’un autre âge. Bon retour dans l’ancien monde ! », ironise Denis Broliquier, maire centriste du 2e arrondissement de Lyon.

Pour le Parti communiste local, « Lyon n’est pas une petite baronnie médiévale ». « Il est temps que Lyon se libère d’un joug féodal », surenchérit la maire du 1er arrondissement Nathalie Perrin-Gilbert, ancienne protégée de M. Collomb qui votera contre sa réélection.

Dans les rangs du parti macroniste, personne ne s’est pour l’instant aventuré à saluer son retour. La preuve que « les élus de son camp sont gênés par son retour », analyse Pascal Blache, l’actuel maire divers droite du 6e arrondissement qui sera sans doute dans la course pour les élections de 2020.

La reconquête devrait être encore plus ardue à la métropole – là où réside l’essentiel du pouvoir –, la loi interdisant désormais de cumuler les deux mandats. Dans une interview au Figaro, son successeur et ancien bras droit, David Kimelfeld, assure que « tout en étant loyal » il n’est « pas un intermittent ou un intérimaire ».

« J’ai toujours dit que si demain il souhaitait revenir (…) je lui laisserai la place (…) mais je ne crois pas que ce soit son intention. »

Par ailleurs, « le maire PS de Villeurbanne, Jean-Paul Bret, dit que ce sera tout sauf Collomb et la métropole ne peut se remporter sans Villeurbanne », complète une source politique locale.

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