Le général congolais Ferdinand Mbaou, à Paris, le 21 septembre 2018. / JOEL SAGET / AFP

Un opposant congolais a dénoncé, mardi 2 octobre, l’« incompréhensible » classement sans suite de la plainte qu’il avait déposée en 2015 après avoir été grièvement blessé dans une tentative de meurtre. Visé récemment par un autre projet d’assassinat, que deux anciens agents des services de renseignement français sont soupçonnés d’avoir élaboré, le général Ferdinand Mbaou, 62 ans, un farouche opposant au président congolais Denis Sassou-Nguesso, vit réfugié en France depuis près de vingt ans.

Deux anciens agents de la DGSE, les renseignements extérieurs français, ont été inculpés à Lyon le 12 septembre pour « association de malfaiteurs » et « détention d’explosifs ». Ils sont soupçonnés d’avoir projeté de tuer le général Mbaou. Un troisième homme a été placé sous le statut de témoin assisté.

« Une balle dans le dos »

Or l’opposant congolais avait déjà échappé à une tentative d’assassinat en novembre 2015, à la sortie de son domicile de Bessancourt, au nord de la capitale française. Il a appris mardi que la plainte qu’il avait déposée après cette attaque avait été classée sans suite le 6 mars 2018 par le parquet de Pontoise.

« C’est incompréhensible. On ne m’a jamais informé, ce n’est pas normal. On a tiré sur moi ! », a-t-il dit à l’AFP, avant d’espérer que la récente arrestation des ex-agents de la DGSE relance la première enquête. « J’ai reçu une balle dans le dos. Les médecins n’ont pas pu l’extraire parce qu’elle est à un endroit délicat, près du cœur. Elle est toujours là », a-t-il souligné, rappelant que les autorités françaises n’avaient jamais donné suite à ses demandes de protection policière.

De son côté, l’avocat de M. Mbaou, Norbert Tricaud, s’est déclaré « extrêmement déçu par la décision du parquet, qui attend pour classer la plainte en catimini et n’informe même pas la victime ». « Le général Mbaou avait donné aux officiers de la police judiciaire des informations très précises sur l’apparence du tireur [un Blanc] et sur les deux autres personnes [un Blanc et un Noir] qui l’attendaient dans la voiture », a-t-il ajouté.

L’avocat a aussi critiqué le « délai anormalement long » dans l’examen de la plainte : « L’enquête préliminaire a été ouverte en novembre 2015 et la synthèse des conclusions transmise au parquet seulement en janvier 2018. Le classement sans suite date du 6 mars. Dans une affaire criminelle politiquement sensible, ce sont des délais inhabituels. »

Dans le collimateur de Brazzaville

L’avocat du général Mbaou a précisé être en train d’accomplir les démarches de constitution de partie civile dans la procédure ouverte à Lyon, dans laquelle un juge d’instruction, Michel Noyer, a été nommé. Il souhaite élargir le cadre de l’enquête pour y ajouter les chefs de « menace de mort » et de « tentative d’assassinat ».

Norbert Tricaud entend par ailleurs déposer un recours contre le gel des avoirs de son client – ordonné par les autorités françaises en vertu d’un article du code financier ayant trait à des accusations de terrorisme et renouvelé tous les six mois depuis deux ans –, dont il conteste le bien-fondé.

Emprisonné à Brazzaville de juillet 2009 à janvier 2010 et accusé d’atteinte à la sécurité intérieure et extérieure de son pays, Ferdinand Mbaou avait été jugé et acquitté par la cour criminelle le 28 décembre 2010, a rappelé Me Tricaud. Le général serait dans le collimateur de Brazzaville « en raison de ses réseaux dans l’armée », selon un opposant congolais.

Denis Sassou-Nguesso cumule plus de trente-quatre ans au pouvoir au Congo, petit pays pétrolier d’Afrique centrale (qui compte environ cinq millions d’habitants). Il a été président de 1979 à 1992, avant de revenir à la tête du pays en 1997, après la guerre civile. Il a été réélu en mars 2016.