Gérard Collomb, à Lyon, le 29 septembre. / JEFF PACHOUD / AFP

Tout sauf une surprise. Le retour de Gérard Collomb à Lyon était préparé de longue date. Le scénario écrit depuis le jour de sa nomination au ministère de l’intérieur. L’édile lyonnais avait immédiatement placé ses deux plus proches lieutenants aux postes qu’il était contraint d’abandonner. Georges Képénékian était passé d’adjoint à la culture à maire. Le vice-président David Kimelfeld avait pris la tête de la métropole de Lyon.

Le contrat était clair : il fallait le moment venu redonner sa place au chef. Et le plan a été respecté. Dès mardi 2 octobre au soir, quelques heures après l’annonce définitive du départ de Gérard Collomb, M. Képénékian a posté sa lettre de démission afin de provoquer sans tarder le processus de réélection.

La conception dirigiste n’étonne plus dans le paysage politique lyonnais, tant celui qui brigue un quatrième mandat à la tête de la mairie de Lyon a forgé un règne sans partage. « Dès qu’une tête commence à dépasser, elle fait de l’ombre, il la coupe », remarque un ancien adjoint à la mairie à la carrière éphémère.

La liste est longue des personnalités écartées du pouvoir municipal et métropolitain, pour cause d’émancipation trop osée. L’ancienne ministre Najat Vallaud-Belkacem, poussée vers la commune limitrophe de Villeurbanne, le secrétaire d’Etat Thierry Braillard, contraint de quitter la partie, l’universitaire Philippe Meirieu, incité à retourner à ses travaux de recherche sur l’éducation, ou encore l’ex-directeur de Forum Réfugiés, Olivier Brachet, démissionnaire de la vice-présidence de la métropole, pour désaccord humanitaire majeur.

Dérive autoritaire ? « Les gens veulent quelqu’un qui garde le cap, qui dirige vraiment la collectivité pour qu’elle progresse, le reste ce n’est pas tellement leur préoccupation », répondait l’intéressé en petit comité, à la terrasse d’un restaurant, quelques mois avant l’aventure ministérielle.

Créer une dynamique à l’écart de LRM

Au creux de l’été de 2017, le ministre de l’intérieur, nommé Place Beauvau depuis à peine deux mois, a commencé à anticiper la suite. Il a réuni une poignée de fidèles à son domicile, dans le 5e arrondissement de Lyon, afin de créer une association électorale, dans la plus grande discrétion. Son nom : Prendre un temps d’avance. Son objectif : fédérer les habituels soutiens, élargir au-delà de l’échiquier actuel. Et surtout créer une dynamique à l’écart du mouvement La République en marche (LRM), dont Gérard Collomb avait pourtant été un des précurseurs.

Le ministre avait prévu de démissionner en septembre. Auprès de ses proches, il a même affirmé que l’affaire était entendue avec le président de la République. C’était compter sans le départ de Nicolas Hulot, début septembre. « Macron a prétexté la démission du ministre de l’écologie pour rendre caduc leur accord. C’est pour cela que [Collomb] a voulu acter sa démission, il a toujours voulu revenir le plus vite possible à Lyon », assure un conseiller lyonnais.

Car dans cette ville qu’il a dirigée pendant seize ans, les grandes manœuvres ont déjà commencé. La droite se cherche un leader. Laurent Wauquiez ? Le président (Les Républicains) de la région Auvergne-Rhône-Alpes plante ses banderilles : il a annoncé le rachat du Musée des tissus de Lyon menacé de fermeture. Etienne Blanc, de son côté, a annoncé son retrait de la mairie de Divonne-les-Bains. Et le premier vice-président (LR) de la région se montre beaucoup dans les réunions lyonnaises.

« Il a anticipé ce revirement »

Même dans le camp de Gérard Collomb, des signaux semble-t-il peu enthousiastes se font jour. Ainsi, David Kimelfeld, le président de la métropole, actuellement en déplacement au Burkina Faso, a rédigé un communiqué convenu pour saluer l’action du ministre de l’intérieur, interprété comme un service minimum. « Le plus important, c’est de savoir qui pourra le mieux fédérer autour de lui », se plaît à répéter M. Kimelfeld, lorsqu’on l’interroge sur le prochain candidat à la métropole de Lyon. Comme si le retour de Gérard Collomb n’allait plus de soi.

La formule fait allusion au nouveau mode de scrutin de l’élection métropolitaine, dans un territoire de 59 communes, découpé en 14 circonscriptions. Les plus petites communes n’auront plus automatiquement un représentant. Or, Gérard Collomb appuyait sa majorité sur le groupe Synergie, composé des maires des Monts d’Or et du Val de Saône. Ces élus n’entendent plus apporter leur soutien au créateur des métropoles nouvelle formule.

Les cartes sont rebattues. Avec un nouveau personnage dans la politique lyonnaise, très influent auprès de l’ex-ministre : Caroline, son épouse, référente LRM dans le Rhône. « Je vais perturber leurs plans », répétait ces dernières semaines Gérard Collomb à son entourage. « En créant son association, il a anticipé ce revirement. Il va lui falloir rechercher d’autres alliances, on n’est pas au bout de nos surprises », décode un intime, persuadé que sa démission du ministère de l’intérieur aura des retombées positives sur son image locale.