Joseph Beuys, en 1982. / SWR / ZERO ONE FILM

Arte, mercredi 3 octobre à 22 h 30, documentaire

Cet homme n’a jamais fui les débats, même les plus virulents. Au contraire, il aimait la confrontation. Lors de conférences consacrées à ses créations ou face à des journalistes, ­Joseph Beuys (1921-1986) répondait aux critiques avec une repartie déroutante, sans jamais oublier de sourire. « Quel rôle jouent mes œuvres, c’est sans importance. ­Jetez donc mes œuvres par la fenêtre ! Je veux élargir la conscience des gens », défiait-il. Il résistait aux insultes et au mépris comme personne et semblait se nourrir des attaques sur son travail et sa manière de concevoir l’art. « Quand on me demande si je suis un artiste, je dis : Arrête tes conneries”, expliquait-il. Je ne suis pas là pour décorer ce système pourri, délabré, puant. Je ne suis pas un artiste. Sauf si nous nous considérons tous comme des artistes. Dans ce cas, je suis d’accord. Autrement, non. »

De longs plans sur ses œuvres

Chapeau feutre éternellement vissé sur sa tête, gilet de pêche sur les épaules, Beuys s’était fait ­connaître à partir des années 1960. Cet Allemand allait, à travers ses œuvres (dessins, sculptures, vidéos), ses performances hors norme en public et ses immenses installations (comme au Musée Guggenheim de New York), devenir un agitateur du monde culturel sujet à toutes les controverses, au point d’être présenté comme « un démon de l’ordre public ». Artiste prolifique, il prenait le temps d’expliquer son approche de l’art : pourquoi il le voulait plus accessible et moins élitiste.

Il n’avait donc pas peur d’aller au contact des gens : il voulait les sensibiliser à la situation politique, les avertir du danger du capitalisme et, dès les années 1970, les convertir aux enjeux écologiques (il a ainsi participé à la création des Verts dans son pays). A partir d’images d’archives inédites, Beuys retrace la vie intime et artistique d’un homme tourmenté et complexe, sans tomber dans un angélisme hagiographique. La prouesse de ce film sans voix off est de donner le temps au téléspectateur d’apprécier ou de découvrir ses œuvres : de longs plans silencieux s’attardent sur certaines de ses créations pour nous permettre de mieux ­comprendre Joseph Beuys

Beuys, d’Andres Veiel (All., 2017, 105 min).