Hassan Rohani, le président iranien, à l’Assemblée générale des Nations unies, le 26 septembre. / BRENDAN MCDERMID / REUTERS

En désignant, mardi 2 octobre, un vice-ministre du renseignement iranien comme le commanditaire du projet d’attentat de Villepinte (Seine-Saint-Denis) du 30 juin, Paris met en évidence qu’une lutte de pouvoir a lieu au sein des organes de sécurité de Téhéran, et de leur direction politique. Ce ministère dépend en effet théoriquement de l’autorité du président, Hassan Rohani, pour qui cet épisode ne peut représenter qu’un désastre.

Le projet d’attentat a été révélé à la fin de juin alors que M. Rohani commençait une visite en Suisse, et devait se rendre en Autriche, afin de poursuivre ses efforts pour préserver l’accord international sur le nucléaire iranien, à la suite du retrait de Washington, en mai. Cette affaire ruinait sa visite.

Elle a affecté sa relation avec Paris, le meilleur défenseur de l’accord. « La relation de M. Rohani avec l’Europe lui assure aujourd’hui la plus grande part de son poids politique. Si l’on veut le torpiller, c’est à elle qu’il faut s’en prendre », note l’intellectuel et ancien parlementaire iranien Ahmad Salamatian, à Paris.

M. Rohani a beau se ranger parmi les modérés, c’est un homme du sérail : il a effectué toute sa carrière, depuis la révolution de 1979, au sein des instances de sécurité, jusqu’à ce qu’il prenne en charge, en 2003, les négociations sur le dossier nucléaire.

Elu en 2013 à la présidence pour faire aboutir ces pourparlers, il s’était attaché, dès sa prise de fonction, à s’assurer le contrôle du ministère. « Il y a si bien réussi que [ses adversaires] ultraconservateurs n’ont plus confiance en l’institution, estime Ali Vaez, spécialiste de l’Iran pour l’International Crisis Group. Ils ont donc rehaussé le pouvoir de la branche renseignement des gardiens de la révolution », la principale force armée du pays, qui dépend directement du Guide suprême, Ali Khamenei.

Tiraillements internes

M. Rohani aurait également tenté de limiter le périmètre de responsabilité des gardiens au Proche-Orient, et de tenir sous sa bride les affaires européennes. Assadollah Assadi, diplomate iranien basé à Vienne et arrêté en Allemagne, soupçonné d’avoir guidé les exécutants de l’attentat déjoué de Villepinte, aurait eu la charge, selon une source diplomatique française, de surveiller les groupes d’opposition en exil sur le continent (les Moudjahidin du peuple, organisateurs du rassemblement de Villepinte, des groupes issus des minorités kurde, baloutche ou arabe…). Le vice-ministre identifié mardi par Paris comme son donneur d’ordres, Saeid Hashemi Moghadam, n’est, quant à lui, pas un personnage public.

Ce n’est pas une aberration dans une institution discrète qui compte, selon l’organigramme, cinq vice-ministres, dont deux seulement sont identifiés en Iran. L’un d’eux a siégé en conseil des ministres, un autre est apparu dans des réunions publiques en province. Paris souligne, de son côté, que le ministère dépend « directement » de M. Khamenei, sans mentionner la présidence. Est-ce de crainte que le modéré Rohani, très affaibli, ne soit en train de perdre la main face aux plus « durs » ? Cette déclaration signifie aussi que la France n’imagine pas que l’opération de Villepinte ait été menée par une faction au sein de l’Etat, sans l’accord de ses plus hautes autorités.

Ces derniers mois, le ministère a pu paraître sujet à des tiraillements internes, révélés par son incapacité à faire libérer des prisonniers politiques, bien que le ministre, Mahmoud Alavi, et M. Rohani aient publiquement souhaité qu’ils soient relâchés. M. Khamenei lui-même a exprimé à de multiples reprises son peu de goût pour l’accord sur le nucléaire, et ses regrets d’avoir autorisé sa signature. Mais il valide depuis le mois de mai les efforts de M. Rohani pour le préserver, avec l’aide des Européens.