De gauche à droite : Michel Pébereau, ancien PDG de BNP Paribas, Baudouin Prot et Dominique Hoenn, directeurs généraux délégués de la banque, à Paris, le 5 février 2003. / JEAN-PIERRE MULLER / AFP

France 3, jeudi 4 octobre à 23 h 35, documentaire

C’est une fresque implacable. Elle raconte un demi-siècle de l’histoire de la BNP, une banque française spécialisée, dans les années 1960, dans le financement des PME et la bancarisation des ménages. Un établissement sans histoires devenu au fil d’acquisitions successives une institution financière d’envergure internationale très puissante en s’affranchissant parfois des règles et en jouant de son influence auprès des plus hautes sphères du pouvoir.

Dans ce portrait sans concession, le journaliste économique Xavier Harel (ancien de La Tribune, spécialiste de la finance internationale) et le réalisateur Thomas Lafarge s’appuient sur les témoignages d’anciens de la banque, d’économistes ou de personnalités politiques pour décrire la stratégie de BNP Paribas pour asseoir son pouvoir.

Tout commence par la privatisation de la BNP en 1993 et l’arrivée à sa tête de Michel Pébereau, le « parrain du capitalisme français », dont l’ambition est de transformer l’établissement français en géant européen. La première étape de cette ascension passera par l’acquisition de Paribas. C’est la rencontre de deux univers, celle d’une banque de dépôts populaire et de « la Rolls-Royce de la banque d’affaires », qui carbure aux bonus.

Changement de culture

Le groupe nouvellement créé change de culture. Il entend profiter des prometteuses années 2000, de la croissance, des marchés et de l’explosion d’Internet dans un environnement peu régulé, jusqu’à l’effondrement de Lehman Brothers. Alors que BNP Paribas sort de la crise financière de 2008 plus puissante que jamais, le film fait le choix de s’intéresser non pas à la success story, mais aux zones d’ombres de cette insolente réussite.

Lors du règlement de la crise financière, Michel Pébereau a eu l’oreille du président Nicolas Sarkozy. Et lorsque François Hollande veut remettre les banques au pas en séparant leurs activités spéculatives, la montagne accouche d’une souris. Les journalistes décryptent la porosité entre l’élite bancaire et son ministère de tutelle, alors que les institutions financières, et particulièrement BNP Paribas, aiment à recruter leurs cadres dirigeants dans la haute fonction publique, les énarques inspecteurs des finances en tête.

Quelle que soit la majorité en place, la banque possède des relais dans les rouages du pouvoir. « Quand les intérêts bancaires sont menacés, le réseau [des inspecteurs des finances] se met en marche et il bloque tout », témoigne l’ancien ministre de l’économie Arnaud Montebourg.

Un « fief à l’intérieur du groupe »

Le film revient également sur les ennuis judiciaires outre-Atlantique de l’antenne genevoise de BNP Paribas, ce « fief à l’intérieur du groupe », sur fond d’évasion fiscale. Il s’attarde surtout sur la violation par la banque des embargos américains sur Cuba, l’Iran et le Soudan, en proie à la guerre. La banque ne prend d’abord pas l’affaire au sérieux. « Au cours de l’enquête, BNP Paribas ne s’est pas révélée très coopérative, beaucoup moins que d’autres banques », se souvient le procureur en chef de la division des enquêtes financières, Adam Kaufmann. L’épisode se traduira une amende de près de 9 milliards de dollars (7,8 milliards d’euros) infligée au fleuron bancaire français par les autorités américaines.

Pour les Français qui ne connaissaient de BNP Paribas que l’agence bancaire du coin de la rue, ce film offre une plongée inédite dans les rouages d’une banque qui a toujours cultivé, avec le plus grand soin, le secret de ses affaires.

BNP Paribas, dans les eaux troubles de la plus grande banque européenne, de Thomas Lafarge et Xavier Harel (France, 2018, 90 min).