Manifestation contre la confirmation de Brett Kavanaugh à la Cour suprême, mercredi 3 octobre 2018. / JAMES LAWLER DUGGAN / REUTERS

Il y a comme un sentiment d’urgence à la Maison Blanche et dans le camp républicain. Le président Trump et la commission judiciaire du Sénat américain ont reçu, jeudi 4 octobre, le rapport du FBI sur les accusations d’inconduite sexuelle à l’encontre de Brett Kavanaugh, le candidat proposé par Donald Trump pour occuper un siège vacant à la Cour suprême des Etats-Unis.

Rien n’a filtré de son contenu, mais avant même d’en lire les conclusions, le chef de la majorité républicaine au Sénat, Mitch McConnell, avait décidé, mercredi, d’accélérer le processus de confirmation, avant les élections de mi-mandat, le 6 novembre, où le parti présidentiel pourrait perdre la majorité au Congrès.

Mitch McConnell a déposé une requête pour un vote dit « de clôture », prévu pour vendredi. Cette formalité est un préalable à la nomination du juge Kavanaugh. S’il aboutit, ce vote limitera à trente heures la durée des débats sur la candidature de Brett Kavanaugh. Le vote définitif sur la nomination de Kavanaugh interviendrait dès ce week-end.

« Il est temps de laisser derrière nous cet étalage écœurant », s’est justifié M. McConnell, tout en promettant un certain respect des formes : « Les sénateurs disposeront de suffisamment de temps pour examiner et être informés des documents complémentaires avant le vote de vendredi sur la clôture du débat. »

Les sénateurs seront autorisés à consulter le rapport dans une pièce sécurisée du Capitole et à être informés par des agents du FBI, mais ils ne devraient pas recevoir de copies du document. Certains – républicains et démocrates – ont appelé à ce qu’au moins un résumé des conclusions du FBI soit rendu public.

En attendant, des centaines de militants opposés à l’arrivée de Brett Kavanaugh à la Cour suprême se sont donné rendez-vous jeudi dans la capitale fédérale, a annoncé l’ACLU, grande organisation américaine de défense des libertés.

  • L’enquête du FBI en question

L’enquête du FBI est déjà contestée : ses agents ont auditionné Deborah Ramirez, l’une des trois femmes qui accuse Brett Kavanaugh d’avoir exhibé son sexe lors d’une soirée alcoolisée à l’université de Yale, ainsi que trois témoins cités par Christine Blasey Ford, qui a témoigné le 27 septembre devant la commission des affaires judiciaires.

Mais ils semblent s’en tenir là, puisque Mme Blasey Ford n’a pas été contactée par le FBI, ont fait savoir ses avocats. Une troisième femme, Julie Swetnick, qui a accusé le jeune Kavanaugh de s’être montré agressif envers les femmes sous l’effet de l’alcool, n’a pas non plus été interrogé, a regretté son avocat Michael Avenatti, qui assure disposer d’un quatrième témoignage compromettant.

  • Les juristes contre Kavanaugh

Dans le New York Times, plus de 1 000 juristes et professeurs prennent position pour appeler le Sénat à ne pas confirmer le magistrat. Ils mettent en cause l’attitude de Brett Kavanaugh qui, lors des auditions, a « manqué de respect pour les procédures d’enquête » et s’est montré irascible, loin des qualités attendues de la part d’un membre de la Cour suprême. Les signataires relèvent encore qu’il a répondu de manière enflammée, partiale et parfois discourtoise aux sénateurs qui le questionnaient.

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  • Trois républicains incertains

Si tous les démocrates votent comme prévu contre la nomination de Brett Kavanaugh, Donald Trump ne peut pas se permettre de perdre le soutien de plus d’un républicain pour son candidat, le vice-président Mike Pence exprimant un vote décisif. Le Parti républicain ne dispose, en effet, que d’une faible majorité au Sénat : 51 sièges contre 49 aux démocrates.

Mais trois sénateurs républicains, Jeff Flake (Arizona), Susan Collins (Maine) et Lisa Murkowski (Alasaka), ont critiqué Donald Trump pour ses remarques sur Christine Blasey Ford lors d’un meeting politique dans le Mississippi mardi.

  • Suite possible après les élections de mi-mandat

Quand bien même Brett Kavanaugh verrait sa nomination confirmée par le Sénat, il pourrait se heurter à une procédure d’impeachment déclenchée par les démocrates, s’ils remportent la Chambre des représentants, le 6 novembre.

L’article II de la Constitution des Etats-Unis, traitant du président, dispose dans sa section 4 : « Le président, le vice-président et tous les fonctionnaires civils des Etats-Unis seront destitués de leurs charges sur mise en accusation et condamnation pour trahison, corruption ou autres crimes et délits majeurs. » L’accusé peut être un haut fonctionnaire du gouvernement, ce qui inclut notamment le président et le vice-président, les membres du cabinet, et les juges fédéraux. Un procès proprement sur la culpabilité de l’accusé se tiendrait devant le Sénat. Les sénateurs doivent prêter serment avant de siéger et la décision de culpabilité ne peut être acquise qu’à la majorité des deux tiers.

Une destitution serait loin d’être acquise. Selon le Brennan Center for Justice, dans l’histoire institutionnelle des Etats-Unis, quinze juges fédéraux ont fait l’objet de procédure d’impeachment et huit ont dû quitter leur poste.

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