Faire du bitcoin la devise universelle sur Internet : cet espoir entretenu depuis une dizaine d’années se heurte aujourd’hui à la réalité, du fait des lourdeurs des technologies utilisées pour faire transiter cette crypto-monnaie. Une start-up française, Acinq, pense avoir trouvé la solution pour atteindre cet objectif

Dans sa conception, le Bitcoin, ce système de paiement décentralisé, basé sur la technologie de la blockchain, ne permet aujourd’hui qu’un nombre limité de transactions : tout au plus une dizaine par secondes dans le monde – quand Visa peut en assurer deux mille fois plus. Il peut en résulter de forts ralentissements, mais pas seulement.

Les personnes à l’origine de la transaction sont obligées de payer des frais, qui peuvent s’envoler quand le réseau est saturé de demandes. À la fin de l’année 2017, ils ont pu grimper à plus de 30 dollars par transaction, ce qui rendait alors cette technologie complètement inadaptée pour des transferts de petites sommes d’argent.

Rapidité et frais minimes

Des enseignes comme Monoprix, qui avaient manifesté leur intérêt pour le bitcoin, se sont ainsi finalement rétractées, du fait du caractère trop aléatoire des frais et de la durée variable des transactions…

« Pour tous les développeurs qui se sont penchés sur la question, il était clair qu’en l’état le système ne pouvait pas répondre à une demande de masse », explique Pierre-Marie Padiou, le dirigeant d’Acinq. Mais deux chercheurs américains ont eu l’idée : créer un réseau secondaire branché sur la blockchain, le Lightning Network, sur lequel les contrats établis entre un vendeur et un acheteur seraient validés quasi instantanément, mais pas soumis individuellement pour paiement à la blockchain.

À la place, les mouvements (crédit, débit) entre les différents acteurs du réseau seraient synthétisés pour limiter le nombre de « passages » par la blockchain. Autre avantage : les frais sur le réseau Lightning sont minimes.

Levée de fonds de 1,4 million d’euros

C’est à cette époque que Acinq commence à s’intéresser à la question. En collaboration avec d’autres pionniers du secteur (Lightning Labs, Blockstream), la start-up française travaille pendant deux ans à établir les standards de ce nouveau réseau, devenu opérationnel au début de l’année 2018.

Parallèlement la jeune pousse développe les outils permettant aux consommateurs (via une application mobile) comme aux commerçants (en développant pour eux une brique logicielle pour leurs sites Internet) de pouvoir accéder aisément au réseau Lightning sans avoir à en maîtriser les rouages. Son application, Eclair Wallet, est d’ores et déjà la plus populaire au monde pour opérer des transactions sur ce nouveau réseau, même si les chiffres restent très réduits : 5 000 téléchargements.

L’entreprise, qui a annoncé jeudi 4 octobre, une levée de fonds de 1,4 million d’euros, principalement auprès du fonds français Serena, compte se financer grâce à des petites commissions prélevées sur chaque opération effectuée via ses outils (1 % pour les commerçants). Son dirigeant n’occulte cependant pas que le chemin qui reste à parcourir est encore long : « On se projette sur un futur où il sera naturel de payer avec des bitcoins, même si aujourd’hui cette vision n’est pas partagée par la majorité. »