Les députés viennent seulement de donner leur feu vert aux tests de voitures autonomes en France, mardi 2 octobre, et plusieurs obstacles juridiques et techniques barrent encore la route de ces véhicules. Mais déjà, une question occupe l’esprit des constructeurs : une fois son attention libérée de la conduite, comment l’automobiliste de demain s’occupera-t-il pendant ses trajets ?

Une partie de la réponse pourrait être fournie par le secteur des médias. C’est en tout cas le pari fait par le groupe Renault, qui profite du Mondial de l’Auto, du 4 au 12 octobre à Paris, pour dévoiler son prototype de « contenus embarqués ».

Grâce à cette technologie, le passager pourrait interagir par commande vocale avec une intelligence artificielle, qui lui proposerait des informations personnalisées. Et ce, sous des formats variés, comme des articles projetés sur le pare-brise ou les fenêtres du véhicule, ou des podcasts retraçant l’histoire d’un monument géolocalisé sur le trajet.

Des applications possibles d’ici deux ans

Ce projet futuriste n’a rien d’anodin pour l’entreprise présidée par Carlos Ghosn. Les contenus embarqués apparaissent désormais clairement comme ce qui a poussé Renault à acquérir, en décembre 2017, 40 % du capital du groupe de médias Challenges qui, outre le magazine économique, comprend quatre autres titres (Sciences & Avenir, Historia, L’Histoire, La Recherche). Car, prévoit David Weill, dirigeant de l’équipementier automobile Faurecia, « quand les voitures autonomes verront le jour, c’est l’expérience vécue à l’intérieur de l’habitacle qui fera la différence entre les groupes automobiles ».

« En gardant les mains sur le volant, le conducteur peut échanger avec l’assistant personnel et choisir le podcast qu’il souhaite écouter », explique Franck Louis-Victor, directeur des services connectés de Renault.

En difficulté, l’industrie des médias, et notamment de la presse, pourrait donc s’engouffrer dans la brèche ouverte par ce type de technologies. « C’est une opportunité pour trouver de nouveaux formats pour nos contenus, et de nouveaux canaux pour les diffuser », explique Frédéric Sitterlé, qui pilote le projet AEX (Augmented Editorial Experience) du côté du groupe Challenges. D’autant que les façons de monétiser cette audience ne manquent pas. Au fil de son trajet, le lecteur pourrait ainsi voir apparaître au milieu de son article des publicités pour des commerces ou des hôtels situés à proximité.

Certes, il faudra attendre l’avènement de véhicules totalement autonomes pour que les passagers puissent lire des journaux ou visionner des vidéos sans craindre pour leur sécurité. Mais l’interface qu’ambitionne de développer Renault pourrait permettre bien avant aux producteurs de contenus d’investir le cockpit de nos voitures. « En gardant les mains sur le volant, le conducteur peut échanger avec l’assistant personnel et choisir le podcast qu’il souhaite écouter », explique Franck Louis-Victor, directeur des services connectés de Renault, pour qui une première version d’AEX pourrait être mise sur le marché « d’ici 18 à 24 mois ».

A terme, l’objectif de la marque au losange sera d’élargir son catalogue au-delà des cinq magazines dont elle est actionnaire. Car ces titres sont spécialisés et, surtout, francophones, excluant de fait les clients étrangers du service AEX. Pour diversifier son offre, Renault conclura des partenariats avec des producteurs de contenus. Et sera peut-être aussi tenté d’investir dans d’autres groupes que Challenges. Une stratégie qui ne manque pas de rappeler le modèle de la convergence entre médias et télécoms adopté notamment par Altice, maison mère de SFR et propriétaire de BFMTV, RMC, Libération ou encore L’Express.

Un terrain convoité par les GAFA

Tout l’enjeu pour Renault et Challenges est d’exploiter le champ des contenus embarqués avant que les géants du web ne se taillent la part du lion. « Nous voulons être le moins dépendant possible des GAFA [Google, Apple, Facebook, Amazon], en gardant un accès direct à l’utilisateur », souligne Frédéric Sitterlé, tout en ajoutant que « les choix éditoriaux d’AEX apportent une valeur ajoutée par rapport à un simple agrégateur de contenus comme celui de Google ».

Ce ne sera pas chose aisée. D’abord parce que Renault n’aura pas la main sur l’assistant personnel sur lequel repose AEX. « Des essais ont été faits avec ceux de Microsoft Cortana , de Google et de SoundHound », précise Franck Louis-Victor. Surtout, le 18 septembre, l’alliance Renault-Nissan-Mitsubishi a annoncé avoir signé un partenariat avec Google pour équiper ses véhicules du système d’exploitation Android et de son écosystème (Google Maps, Google Assistant et Google Play Store), à partir de 2021.