la ministre auprès du ministre de l’intérieur, Jacqueline Gourault, le 3 octobre à l’Assemblée nationale. / THOMAS SAMSON / AFP

Une semaine après le congrès de Régions de France, à Marseille, qui avait vu les trois associations d’élus « historiques » – Association des maires de France (AMF), Assemblée des départements de France (ADF) et Régions de France – publier un appel commun pour les libertés locales et pour une relance de la décentralisation, c’était au tour de l’Assemblée des communautés de France (AdCF) de tenir convention, du 3 au 5 octobre, à Deauville (Calvados). Convention à laquelle ont pris part pas moins de quatre membres du gouvernement : Jacqueline Gourault (intérieur), Olivier Dussopt (comptes publics), Elisabeth Borne (transports) et François de Rugy (transition écologique). Preuve s’il en était du soin que porte le gouvernement à préserver des liens étroits avec les collectivités territoriales, malgré les rebuffades de certaines d’entre elles.

Après les déclarations tonitruantes prononcées à Marseille à l’encontre d’un exécutif suspect de vouloir conduire « une recentralisation inédite », l’exercice se présentait sous de meilleurs auspices, l’AdCF se refusant, elle, à jouer le jeu dangereux de la chaise vide. Au reste, comme l’a souligné son président, Jean-Luc Rigaut, ce dialogue constructif a permis de « nombreuses avancées » au cours des dix-huit premiers mois du quinquennat, même s’il a pointé quelques « feux rouges ou clignotants ». « Nous souhaitons plaider pour l’apaisement, pour la reprise du dialogue, dans le respect de la responsabilité de chacun, a insisté le président de la communauté d’agglomération du Grand Annecy. Le compromis n’a rien de honteux. Il faut que l’esprit du pacte girondin l’emporte vraiment. Nous y croyons mais nous sommes vigilants. »

« Il y a peut-être eu des maladresses »

La ministre auprès du ministre de l’intérieur, Mme Gourault, qui s’impose de plus en plus comme l’interlocutrice attitrée des collectivités territoriales, a saisi la balle au bond pour adresser un message aux trois associations réfractaires. Rappelant qu’elle était présidente de la commission intercommunale de l’Association des maires de France (AMF) « à l’époque bénie de Jacques Pélissard », le prédécesseur de François Baroin, « avec la tolérance qu’on lui connaissait », elle a fermement rejeté les accusations portées par ces dernières.

« J’ai entendu parler de décentralisation. Mais c’est ce gouvernement qui a inscrit dans le projet de loi constitutionnelle le droit à la différenciation. C’est ce gouvernement qui met en place une Agence nationale de cohésion des territoires, qui avait été proposée par l’AMF et qui devra être un outil au plus près des territoires, a-t-elle insisté. Si on veut le dialogue, il faut dire les choses franchement. Le dialogue, c’est pour tout le monde, ce n’est pas réservé à certains. »

Un peu plus tard, interrogée sur la manière dont elle envisageait de retrouver les voies de la concertation avec l’ensemble des associations d’élus, la ministre s’est montrée confiante. « Il y a ce qui se dit sur les estrades et ce qu’on fait dans le travail quotidien », a-t-elle relevé, laissant entendre que les mêmes qui crient au refus du dialogue ne sont pas les derniers à pousser le portillon des ministères quand il s’agit de discuter sérieusement de certaines thématiques.

Revenant sur le boycott en juillet de la Conférence nationale des territoires par trois associations d’élus, elle a cependant émis un début de contrition, évoquant « un rendez-vous manqué ». « Il y a peut-être eu des maladresses, a-t-elle admis. Certains ont peut-être aussi poussé le bouchon trop loin et ça a pété ». De même a-t-elle voulu rassurer sur les processus de fusion département-métropole. « Il s’agit d’accompagner les volontés locales et non de forcer des décisions, a insisté Mme Gourault, assurant que « le modèle lyonnais n’est pas le modèle unique ». La ministre a bien pris garde de ne pas avancer de calendrier pour légiférer sur ce dossier, « s’il en est besoin ».

Larcher veut sortir de l’enlisement

Reste que, dans les semaines et les mois à venir, c’est la délicate question de la réforme de la fiscalité locale qui va concentrer une bonne part des travaux entre l’exécutif et les représentants des collectivités territoriales. Et il n’est pas imaginable que cela se fasse en l’absence des collectivités concernées. « Je demande que le gouvernement puisse rapidement retrouver les voies d’un dialogue réel et sincère avec les collectivités, a également plaidé le président du Sénat, Gérard Larcher, soucieux que l’enlisement actuel ne se prolonge pas. Je demande qu’on écrive ensemble un scénario de réforme fiscale. Ce sujet est crucial car il traduit la nature des relations entre l’Etat et les collectivités. »

Intervenant en ouverture du congrès, le régional de l’étape, Hervé Morin, a quant à lui de nouveau posé ses exigences. « Là où la loi nous donne la compétence, nous voulons être associés à l’élaboration des politiques publiques. C’est une question de considération », a martelé le président de la région Normandie et président de Régions de France. Qui ne désarme pas. Il entend à présent, avec l’AMF et l’ADF, organiser dans chaque région métropolitaine des « assises des territoires » pour écrire « un nouveau pacte girondin ». Peut-être pas la meilleure façon de reprendre le chemin du dialogue.