Vendredi 5 octobre, une manifestation de soutien envers le journaliste Jamal Khashoggi, disparu depuis mardi, alors qu’il s’est rendu au consulat soudien, à Istanbul, en Turquie. / OZAN KOSE / AFP

Quatre jours après la disparition d’un journaliste saoudien critique envers Riyad, une enquête judiciaire a été ouverte, a rapporté samedi 5 octobre l’agence Anatolie. L’éditorialiste Jamal Khashoggi n’a pas été vu depuis mardi, date de son entrée au consulat de son pays, à Istanbul, en Turquie.

Ryad assure que Jamal Khashoggi, rédacteur d’articles d’opinion pour le Washington Post notamment, a quitté le consulat après y avoir effectué des démarches mardi. Dans un entretien à l’agence Bloomberg publié vendredi, le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane a également assuré que le journaliste n’était pas dans le consulat et s’est dit prêt à autoriser les autorités turques à « fouiller » les lieux.

De son côté, Ankara a affirmé qu’il se trouvait toujours au consulat. D’après un communiqué publié sur son site par le quotidien progouvernemental Sabah et également cité par Anatolie, le procureur général d’Istanbul a annoncé samedi qu’une enquête avait été ouverte dès mardi et qu’elle se poursuivait de façon approfondie.

« Disparition forcée »

Selon sa fiancée, une femme turque dénommée Hatice A., M. Khashoggi s’était rendu au consulat pour effectuer des démarches administratives en vue de leur mariage, mais n’en est jamais ressorti.

Les organisations de défense des droits de l’homme Human Rights Watch (HRW) et Amnesty International ont toutes les deux mis en garde Ryad, affirmant que l’éventuelle détention du journaliste constituerait un cas de « disparition forcée ». Le hashtag #enlèvementdejamalkhoshoggi est l’un des plus partagés en arabe sur Twitter depuis mardi soir.

Modernisation et répression

M. Khashoggi s’est exilé aux Etats-Unis l’année dernière par crainte d’une possible arrestation pour avoir critiqué certaines décisions du prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salman — surnommé « MBS » —, et l’intervention militaire de Riyad au Yémen, dont il avait été un temps partisan.

Jamal Khashoggi n’a jamais mâché ses mots, que ce soit lorsqu’il dirigeait des rédactions dans son pays ou quand il a pris la plume en Occident pour critiquer le royaume saoudien de l’ère « MBS ». M. Khashoggi est l’un des rares journalistes saoudiens en vue à élever la voix contre la répression dans son pays. Dans l’un de ses derniers tweets, il avait ainsi critiqué le procès intenté à un économiste saoudien de renom, Essam Al-Zamel, après son arrestation par les autorités.

Riyad promeut une campagne de modernisation depuis que le prince Mohammed Ben Salman a été désigné héritier du trône, en 2017. Mais, par la suite, la répression des dissidents, avec des arrestations de religieux, de personnalités libérales et de militantes de la cause des femmes, s’est accentuée.

Une carrière de journaliste mouvementée

Jamal Khashoggi a commencé sa carrière de journaliste dans les années 1980, collaborant notamment à Saudi Gazette, Okaz et Asharq Al-Awsat. Il a couvert des conflits et a interviewé à plusieurs reprises en Afghanistan et au Soudan l’ancien chef d’Al-Qaida, feu Oussama Ben Laden.

Jugé trop progressiste, Jamal Khashoggi avait été contraint à la démission du poste de rédacteur en chef du quotidien saoudien Al-Watan en 2003. Il y était revenu en 2007, mais était reparti en 2010 à la suite d’un éditorial jugé offensant pour les salafistes — courant rigoriste de l’islam qui prône une obéissance totale au gouvernant.

Le Royaume d’Arabie saoudite figure à la 169e place (sur 180) du classement mondial de la liberté de la presse établi par Reporters sans frontières (RSF) en 2018.