Un Brésil en crise et très divisé a commencé à voter, dimanche 7 octobre, pour une présidentielle aux enjeux importants. Le candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro, un nostalgique de la dictature militaire, est le grand favori du premier tour.

Le profil détaillé des principaux candidats :

  • Jair Bolsonaro, le nostalgique de la dictature et de ses tortionnaires

Le candidat d’extrême droite Jair Bolsonaro, le 7 octobre à Rio de Janeiro. / MAURO PIMENTEL / AFP

A l’extrême droite, Jair Bolsonaro, militaire de réserve, est en tête des sondages. Avec 40 % des intentions de vote, il a su profiter de ce sentiment d’exaspération envers le PT au pouvoir plus d’une décennie, Lula et les scandales de corruption. Se présentant comme « honnête » et « patriote », il promet, sur le ton de la plaisanterie, dira-t-il plus tard, de « fusiller les “petralhas” », les membres du PT. Un ton agressif qui lui a valu le soutien de cette classe moyenne désenchantée par la crise et apeurée par le déclassement.

Dans un pays nourri par un sentiment de chaos et de décadence, ce grand nostalgique de la dictature (1964-1985) incarne la figure du militaire, garant de l’ordre et de l’autorité qui serait à même de venir à bout de l’insécurité qui gangrène le pays. Après une attaque au couteau le 6 septembre qui a failli lui coûter la vie, Jair Bolsonaro, a cultivé, via une campagne orchestrée presque exclusivement via les réseaux sociaux, son profil de « sauveur de la patrie ». En dépit de ses propos racistes, misogynes, homophobes, il fédère désormais une partie de la bourgeoisie, des chrétiens évangéliques, du monde agricole et des milieux d’affaires.

Fernando Haddad, le poulain de Lula

Fernando Haddad, le 7 octobre. / Nelson Antoine / AP

Considéré par ses contempteurs comme la « marionnette de Lula », Fernando Haddad est sorti de l’ombre le mardi 11 septembre après avoir été adoubé par le « père des pauvres », dont la candidature venait d’être rejetée du fait de sa condamnation pour corruption. L’ancien maire de Sao Paulo, inconnu du grand public, a alors mené une campagne sans ambiguïté, baptisée « Haddad est Lula » pour profiter de l’aura de son mentor. Une stratégie qui a permis à l’ancien ministre de l’éducation de progresser dans les enquêtes d’opinion jusqu’à devenir le challenger de Jair Bolsonaro. Il est aujourd’hui crédité de 25 % des intentions de vote.

Mais la bénédiction de Lula et son appartenance au PT provoquent également le rejet d’une partie du Brésil fatiguée des promesses de la gauche et avide de changement. En l’absence de Jair Bolsonaro lors des débats, Fernando Haddad est devenu l’homme à abattre. Il a dû affronter des feux nourris de la quasi-totalité de ses adversaires qui, de Geraldo Alckmin (droite) à Marina Silva en passant par Ciro Gomes (centre gauche) l’ont confronté au bilan du PT, dont une partie de l’état-major est impliquée dans des scandales de corruption et dont la politique dépensière est jugée en partie responsable de la récession historique de 2015.

Désireux d’incarner une « troisième voie », les autres candidats ont renvoyé dos à dos le PT et Jair Bolsonaro, deux extrêmes représentant un danger équivalent pour le Brésil. Une stratégie risquée, qui, à ce stade, n’a fait que légitimer l’ascension du héraut de l’extrême droite.

  • Marina Silva, l’écolo évangélique

Marina Silva, le 4 octobre. / DANIEL RAMALHO / AFP

Originaire de Rio Branco, capitale de l’Etat de l’Acre au fin fond de l’Amazonie, l’ancienne ministre de l’écologie de Lula a remporté 20 % des voix lors des deux précédents scrutins présidentiels. Femme de caractère, elle avait jeté sa carte du PT, dégoûtée par les concessions du gouvernement à l’agrobusiness. A 60 ans, elle espérait vivre, enfin, son moment.

Las, créditée de 16 % des intentions de vote en août, celle qui fut domestique et analphabète jusqu’à ses 16 ans affiche désormais un médiocre 3 %. Pas assez incisive pour les uns, mal préparée pour les autres, la leadeuse du parti écologiste a semblé inaudible dans une campagne agressive.

  • Geraldo Alckmin, le candidat de l’establishment dépassé par l’extrême droite

Geraldo Alckmin, le 5 octobre. / NELSON ALMEIDA / AFP

Ancien gouverneur de l’Etat de Sao Paulo, l’ex-président du Parti de la social-démocratie brésilienne (PSDB), 65 ans, représente le camp de la droite républicaine. Une droite « élégante » mais décrédibilisée pour avoir participé au gouvernement du très impopulaire Michel Temer, accusé d’avoir enfoncé le Brésil dans les tréfonds d’une crise morale et politique.

Face à des électeurs écœurés par les scandales de corruption, le PSDB pâtit des multiples affaires ou soupçons entourant Aecio Neves, candidat du scrutin de 2014. Comparé à un sorbet de « chu chu », une cucurbitacée insipide, pour son manque de charisme, Geraldo Alckmin a été incapable de se distinguer face à ceux qu’il qualifie de « deux faces d’une même pièce », Fernando Haddad et Jair Bolsonaro. Stagnant à 8 % des intentions de vote, il a perdu l’appui des milieux d’affaires qui lui ont préféré Jair Bolsonaro et son très libéral conseiller économique, Paulo Guedes.

  • Ciro Gomes, l’exalté, espoir d’une troisième voie

Ciro Gomes, le 7 octobre. / NACHO DOCE / REUTERS

Celui qui fut à la fois ministre du gouvernement d’Itamar Franco en 1994 et de Lula – de 2003 à 2006 – a navigué entre sept partis avant d’échouer au Parti démocratique travailliste (PDT, centre gauche). Longtemps considéré comme un suppléant potentiel de Lula, dont il s’est dit chagriné par la condamnation, Ciro Gomes a perdu de l’élan après la candidature de Fernando Haddad. Il est aujourd’hui crédité de 15 % des intentions de vote.

Réputé pour son impulsivité, il a expliqué à Marina Silva que cette campagne avait besoin de « testostérone » et s’est laissé aller, lors d’un meeting de campagne, à traiter un journaliste de « fils de pute ». L’ascension vertigineuse de Jair Bolsonaro et la haine anti-PT feraient de Ciro Gomes une option crédible pour incarner une « troisième voie » et offrir la victoire du camp progressiste face à l’extrême droite. Dans les simulations de second tour, Ciro Gomes est le seul à battre Jair Bolsonaro à 47 % contre 43 % selon l’enquête Datafolha du 6 octobre. Il lui reste à décrocher une improbable place au second tour.