La Confédération helvétique n’a pas de mer. Mais elle serait en mesure d’offrir un pavillon humanitaire à l’Aquarius, le navire de SOS Méditerranée qui a sauvé près de 30 000 personnes depuis février 2016, date de sa première mission. C’est ce que réclame un groupe de députés et personnalités suisses.

Le 26 septembre, trois députés de différents bords politiques – la socialiste Ada Marra, le démocrate-chrétien Guillaume Barazzone et le libéral-radical Kurt Fluri – interpellaient le Conseil fédéral, pour qu’il propose un destin à l’Aquarius qui s’apprêtait à perdre son pavillon panaméen. Entre temps, et alors que le bateau est resté bloqué à Marseille, le mouvement a pris plus d’ampleur.

Une lettre ouverte, aujourd’hui relayée dans la presse dominicale helvétique, a été signée par plusieurs personnalités politique ou civiles, dont l’ancienne présidente Micheline Calmy-Rey, l’ex-procureure de la Cour pénale internationale Carla del Ponte, Jacques Dubochet, prix Nobel de Chimie 2017 ou encore Markus Imhof, cinéaste représentant la Suisse aux Oscars 2019 avec son documentaire « Eldorado ».

Les signataires estiment qu’accorder le pavillon suisse à l’Aquarius honorerait la tradition humanitaire suisse. « Au-delà de toute polémique, de toute analyse partisane, ajoutent-ils, faire ce geste permettrait de rappeler que ce qui compte avant tout, c’est la vie de ces personnes. Laisser mourir des gens dans les eaux internationales n’est pas une solution. »

Un détail administratif problématique

Selon les signataires, la Suisse pourrait utiliser l’article 35 de la loi fédérale maritime, qui lui permet d’accorder exceptionnellement un pavillon pour des raisons humanitaires. Même si la Suisse n’a pas de mer, elle possède bien une marine marchande.

Mais dans les faits, cela ne serait pas si simple car selon le texte, la société qui possède le bateau doit avoir une adresse en Suisse. Or, l’Aquarius est détenu par la Société allemande Jasmud Shipping, ce qui compliquerait la procédure, a récemment expliqué la Radio Télévision publique Suisse (RTS).

Ce détail administratif ne décourage pas les signataires. « Créer une société en Suisse prend une journée, ce n’est pas un problème, assure Ada Marra, parlementaire socialiste qui a fait partie des premières à lancer le mouvement. S’il y a la volonté politique d’offrir un pavillon à l’Aquarius, alors la solution juridique suivra. »

A cette lettre ouverte s’ajoute une pétition en français et en allemand, désormais signée par 25 000 personnes sur le site Change.org. Elle a été lancée par Nicolas Morel, un citoyen vaudois engagé à gauche, et sera remise mardi 9 octobre au Conseil fédéral à Berne.

Le Conseil fédéral se prononcera d’ici fin novembre

La mobilisation populaire pour l’Aquarius n’allait pas de soi en Suisse. Le premier parti du pays, l’Union démocratique du centre (UDC), est fermement opposé à l’immigration. L’un de ses députés, Yves Nidegger, s’est d’ailleurs déjà prononcé contre le sauvetage de l’Aquarius par son pays. « Ça n’a rien d’humanitaire d’organiser un transport illégal de migrants », a-t-il déclaré dans les médias. A l’été 2017, c’est bien un Genevois, Jean-David Cattin, qui avait coordonné l’opération anti-migrants « Defend Europe » (« Défendre l’Europe »), en pleine Méditerranée.

Mais dans son histoire, la Suisse a plusieurs fois hissé son drapeau sur des navires humanitaires. Pendant la deuxième guerre mondiale, les embarcations de la Croix Rouge ont notamment transporté des tonnes de marchandises afin de venir en aide aux populations en guerre.

Le Conseil fédéral devra se prononcer sur le sujet avant la fin novembre. En attendant, l’Aquarius est toujours à quai à Marseille.

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