Le candidat socialiste à l'élection présidentielle François Mitterrand, le 6 avril 1981 à Paris. / GEORGES GOBET / AFP

Avouons-le d’emblée : quand on a entendu parler du bureau de François Mitterrand à Solférino, on s’est représenté un meuble majestueux et raffiné, une sorte de métaphore en bois précieux de la figure imposante qu’est, pour le Parti socialiste (PS), l’ancien président. Erreur. C’est « une table », dit prosaïquement Jean-Christophe Cambadélis. « Un bureau en bois, pas ovale mais rectangulaire avec une petite courbe. Et pas de tiroirs », décrit plus minutieusement Alain Claeys. Dans les années 1990, quand il était trésorier du parti, le maire de Poitiers s’est longtemps assis derrière ce bureau aux pieds métalliques qu’il a trouvé dans la pièce qu’on lui avait assignée. « J’y étais très attaché. »

Ce modeste bureau est un des quelques objets qui vont suivre le Parti socialiste de la rue de Solférino à Ivry-sur-Seine, où la formation installe ces jours-ci son nouveau siège. En quittant le cœur huppé de la capitale pour le Val-de-Marne, le PS va laisser derrière lui toute une partie de son histoire qui ne colle pas avec l’esprit du nouveau lieu, que le parti veut ouvert et moderne.

Part de sacré

Les archives partent à la Fondation Jean-Jaurès et à l’Office universitaire de recherche socialiste (OURS), tandis que la majeure partie du mobilier doit être donnée à des associations. Et, à la demande du nouveau propriétaire, le groupe immobilier Apsys, les photos des anciens premiers secrétaires suspendues au rez-de-chaussée face à l’escalier d’honneur ne quitteront pas les lieux.

Restent les symboles. Le PS va par exemple emmener dans ses cartons un tirage grand format d’une photo de Jean Jaurès haranguant la foule au Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis) en 1913, pour l’heure accroché dans le bureau de M. Faure. Et le bureau de François Mitterrand, donc. « Il nous restera cette trace, c’est important, salue M. Claeys. Il faut toujours garder quelque chose de l’ancien monde pour bien connaître le présent. »

Forcément, tout ce qui touche aux figures historiques du parti revêt une part de sacré. Et ce même si François Mitterrand s’est fort peu servi de ce bureau qu’il avait fait spécialement réaliser. Il a travaillé dessus quelques mois à peine, quand il était à la tête du PS, entre l’installation des socialistes à Solférino en 1980 et son passage de relais à Lionel Jospin, en janvier 1981, pour se lancer dans la campagne présidentielle.

Un peu oublié

Selon Jean-Christophe Cambadélis, le bureau « a ensuite servi aux premiers secrétaires successifs » : M. Jospin, donc, Pierre Mauroy, Laurent Fabius, Michel Rocard. Jusqu’à ce que des travaux soient entrepris dans le grand hôtel particulier et que le parti s’installe provisoirement rue de Vaugirard.

Au retour des socialistes dans le 7e arrondissement, après la victoire aux législatives de 1997, le mobilier a été changé et le bureau de François Mitterrand est monté d’un étage. Il a alors servi à différents secrétaires nationaux, les « ministres » du parti. Et il a été un peu oublié, aussi. Dernièrement, il était utilisé par une salariée… jusqu’à ce qu’elle quitte le parti, dans le cadre du plan social mis en œuvre après les défaites de 2017. Le meuble aura décidément suivi les destinées du parti.