Le 6 octobre, à Lausanne, en Suisse. / FABRICE COFFRINI / AFP

Le 15 juin 2016, après bientôt quatre ans d’instruction, au cours de laquelle il a connu la garde à vue et a dû s’acquitter d’un montant de 150 000 euros de caution, Patrick de Fayet, alors âgé de 60 ans, finit par céder. Las d’une enquête aux enjeux considérables et au risque pénal évident, l’ancien numéro deux de la filiale française d’UBS, mis en examen pour « complicité de démarchage bancaire illicite », préfère s’orienter vers une comparution avec reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). L’équivalent d’un « plaider coupable » négocié avec les magistrats du parquet et de l’instruction, qui permet, si l’accord est homologué par un juge, d’éviter un long procès, voire deux en cas d’appel.

Tout au long de l’instruction, M. de Fayet avait pourtant fermement contesté les faits qui lui étaient reprochés. Dans un courrier reçu par les magistrats le 24 juin 2016, il a indiqué qu’il souhaitait s’orienter vers une voie transactionnelle, reconnaissant par là même avoir organisé « conjointement avec ses homologues d’UBS AG des événements promotionnels financés par [la maison mère] » et avoir participé « à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d’un crime ou d’un délit », entre 2004 et 2009.

Un coup de tonnerre pour la banque suisse, qui voit alors la solidarité, qui présidait jusqu’alors dans la défense des mis en examen, se fissurer dangereusement, et décide aussitôt de se constituer partie civile contre son ancien salarié. Une situation ubuesque, où le principal accusé profite du revirement d’un de ses complices présumés pour tenter d’y gagner le statut de victime en invoquant des dérapages individuels. Sans surprise, sa constitution de partie civile sera refusée. Et la banque renvoyée devant un tribunal correctionnel.

1,1 milliard d’euros de caution

L’entreprise avait, par ailleurs, elle aussi entamé de son côté des négociations pour éviter un procès en s’engageant dans une voie transactionnelle pouvant signifier de reconnaître sa culpabilité, mais en vain. Une CRPC risquait de la mettre en grande difficulté vis-à-vis des autorités américaines et aurait pu avoir des conséquences sur son activité aux Etats-Unis.

L’autre voie, la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP), n’a finalement pas abouti. Cette nouvelle procédure réservée aux cas de corruption ou de blanchiment de fraude fiscale permet en effet à une entreprise de signer une transaction financière avec la justice, sans avoir à reconnaître sa culpabilité. Le parquet financier n’était pas prêt à négocier au-dessous du 1,1 milliard d’euros de caution dont la banque avait dû s’acquitter lors de sa mise en examen. Une somme d’ailleurs confirmée par la Cour de cassation et la Cour européenne des droits de l’homme comme n’étant pas disproportionnée avec le préjudice subi.

Pour mémoire, accusée de blanchiment de fraude fiscale, la filiale suisse de la banque HSBC avait choisi, en novembre 2017, de signer une CJIP contre le paiement d’une amende de 300 millions d’euros afin d’éviter un procès.

Une faille dans la défense d’UBS

Plus surprenant, en revanche, malgré l’accord passé entre les magistrats, le juge chargé d’homologuer la CRPC de M. de Fayet l’a refusé. L’ancien dirigeant d’UBS France se retrouve donc, comme ses co-mis en examen, renvoyé devant le tribunal pour le procès qui s’ouvre lundi 8 octobre. Si la CRPC – et son échec – ne peut être évoquée à l’audience, elle sera dans toutes les têtes et pourrait planer sur l’audience comme une faille dans la défense d’UBS.

Au cours de l’enquête, Patrick de Fayet avait expliqué aux magistrats que certaines pratiques des chargés d’affaires (CA) français et suisses avaient pu avoir lieu sans qu’il en ait été informé. « On s’est aperçu qu’il pouvait arriver qu’un CA suisse demande à un CA français copain de réserver au nom de ce dernier un salon pour y recevoir un client ou prospect [cible potentielle] à notre insu. » Il a donc été décidé, a-t-il expliqué, de diffuser une instruction intitulée « sécurité et accès aux locaux ». Pour Patrick de Fayet et UBS France, c’est, écrivent les magistrats instructeurs, « la preuve de l’absence de complicité d’UBS France du démarchage d’UBS AG sur le territoire national ». Pour les juges d’instruction, « l’enquête a montré qu’UBS France, en la personne de Patrick de Fayet, a décidé de favoriser les apports de clients ou de prospects par UBS France à UBS AG ». Contacté, son avocat, Christian Saint-Palais, n’a pas souhaité faire de commentaires.