Le ministre d’Etat auprès du ministère des affaires étrangères, M. J. Akbar (à gauche),  en compagnie de l’ancien chef de la diplomatie allemande, Sigmar Gabriel (à droite), en mai 2017. / JOHN MACDOUGALL / AFP

Un an après son apparition dans le reste du monde, le mouvement #MeToo a atteint un membre du gouvernement de Narendra Modi. Mobasher Jawed Akbar, ministre de second rang du ministère des affaires étrangères indien, se trouvait mardi 9 octobre au centre d’accusations de harcèlement sexuel, publiées par des femmes sur les réseaux sociaux.

Vétéran du journalisme, M.J. Akbar est accusé d’avoir fait des avances sexuelles inappropriées à des jeunes femmes journalistes débutant dans le métier, selon plusieurs témoignages publiés sur Twitter.

Première femme à s’exprimer publiquement contre M.J. Akbar, la journaliste Priya Ramani a révélé lundi soir dans un tweet qu’il était le rédacteur en chef anonyme qu’elle avait décrit dans un article paru l’année dernière sur Vogue India :

« Je n’avais jamais donné son nom jusqu’ici parce qu’il n’avait “rien” fait. De nombreuses femmes ont des histoires bien pires à raconter sur ce prédateur – peut-être qu’elles les partageront. »

Elle y relatait un entretien d’embauche qu’il lui avait fait passer pour le journal Asian Age, lorsqu’elle avait 23 ans et lui 43, dans sa chambre d’un hôtel chic de Bombay. « Il s’avère que vous chassiez en prédateur de façon aussi brillante que vous écriviez », y écrivait la journaliste. « Vous êtes un expert en appels téléphoniques, en textos obscènes (...). Vous savez pincer, tapoter, frotter, attraper et agresser. Parler contre vous coûte encore un lourd tribut que beaucoup de jeunes femmes ne peuvent se permettre de payer », ajoutait-elle dans cette lettre ouverte.

« Une expérience profondément gênante »

D’autres femmes journalistes ont fait état sur Twitter d’expériences similaires avec celui qui, avant de passer en politique, avait occupé des postes à responsabilités dans des publications prestigieuses comme The Telegraph, Asian Age et The Sunday Guardian. A chaque fois, les témoignages évoquent des entretiens d’embauche dans une chambre d’hôtel :

« C’était ce brillant et flamboyant rédacteur en chef qui s’essayait à la politique, qui m’a appelé dans sa chambre d’hôtel pour “discuter travail” dans la nuit, et qui m’avait rendu la vie impossible au travail après que j’ai refusé. Je n’avais pas pu en parler à cause de différentes contraintes, mais oui #MeTooIndia »

« #MeToo. Année : 1995, lieu : Taj Bengal, Kolkata. Après cette rencontre, j’ai refusé l’offre d’emploi. Je dois clarifier qu’il n’a cependant jamais “rien” fait. Mais l’expérience de passer un entretien assis sur un lit dans une chambre d’hôtel, suivie d’une invitation à boire un verre le soir, était profondément gênante. »

La cheffe de la diplomatie indienne, Sushma Swaraj, n’a pas souhaité commenter ces accusations, ignorant une question d’un journaliste lui demandant si elle allait ouvrir une enquête sur cette affaire.

Un an après son apparition dans le reste du monde, la campagne féministe #MeToo avait eu peu d’écho jusqu’ici peu en Inde. Jusqu’à ces derniers jours. Réalisateurs, humoristes, journalistes... Plusieurs personnalités de l’industrie du spectacle et des médias se sont vues accusées publiquement de comportement inapproprié envers des femmes dans cette société patriarcale.

Lundi, le rédacteur en chef du service politique du grand quotidien Hindustan Times a démissionné de ses fonctions à la suite d’accusations de harcèlement sexuel partagées sur Twitter.

La semaine dernière, l’actrice indienne Tanushree Dutta a annoncé avoir formellement déposé plainte contre le célèbre acteur Nana Patekar, lui reprochant une conduite déplacée durant le tournage d’une comédie romantique en 2008. D’autres actrices ont commencé à s’exprimer sur une question jusqu’alors quasiment jamais abordée dans les médias indiens. En décembre, l’actrice Swara Bhaskar a déclaré avoir été harcelée à ses débuts par un réalisateur non identifié, évoquant une culture de la « promotion canapé » à Bollywood.