L’assistant Portal de Facebook allie des fonctions exclusives à la reconnaissance vocale Alexa d’Amazon. / FACEBOOK

A première vue, la recette de l’assistant numérique Portal, annoncé lundi 8 octobre et disponible en prévente aux Etats-Unis à 200 dollars, ne paraît pas menaçante. Cette petite boîte noire et blanche n’est pas si différente d’une tablette tactile, puisqu’elle est équipée d’un écran 10 pouces, d’une caméra haute résolution, de micros particulièrement sensibles et de haut-parleurs très puissants. Sans oublier, détail d’importance, d’une antenne Wi-Fi, qui permet de se connecter à Internet, notamment pour lancer des appels vidéo à destination d’autres membres de… Facebook.

Portal est en effet la première incursion sur le territoire des appareils connectés menée par le réseau social. Si Facebook a déjà acquis Oculus, le constructeur de casques de réalité virtuelle, l’entreprise n’avait pas encore lancé sur le marché d’objets pour les consommateurs.

Les premières réactions ont été unanimes. Dès son lancement, Portal a rencontré une défiance radicale auprès de nombreux journalistes spécialisés. Le concept n’est pourtant pas neuf. Google a annoncé travailler à son propre Smart Display début janvier, et Amazon vient de lancer la deuxième génération de son Echo Show aux Etats-Unis. Ces produits fort ressemblants n’ont pas déclenché de levée de bouclier massive.

Crédit dangereusement bas

Le point faible du Portal se résume en une question : peut-on faire confiance à Facebook ? Le média américain The Verge rappelle que, dix jours avant l’annonce du Portal, Facebook a révélé que les comptes de 50 millions d’utilisateurs avaient été piratés par un ou plusieurs hackers encore non identifiés. L’un des derniers épisodes de nombreuses affaires ayant considérablement écorné l’image de Facebook en 2018.

Conscient du déficit de confiance induit par ces événements, Facebook a annoncé plusieurs mesures visant à sécuriser Portal et à rassurer ses éventuels clients. Le site Les Numeriques explique que l’entreprise « compte (maladroitement) sur un bouton pour désactiver le micro, et un obturateur pour la caméra frontale », qui permettraient selon Facebook de rendre Portal sourd et aveugle. Quant aux appels vidéo, ils seraient passés de manière chiffrée. Le site 01net ne semble pas pleinement convaincu : « Pas sûr que [ces précautions] suffisent à redonner confiance en Facebook. »

L’opinion publique en phase ?

Le journaliste de The Verge Casey Newton écrit : « Dans toute ma carrière de testeur d’appareils électroniques, je n’ai rarement vu autant de journalistes indépendants en venir aux mêmes conclusions à propos d’un appareil (…). La presse ne fait pas confiance à Facebook pour glisser dans les maisons une caméra et un microphone toujours actifs. Même si la caméra est équipée d’un cache en plastique et les microphones d’un bouton d’extinction. » Un journaliste d’USA Today évoque ainsi la réaction d’un collègue à la sortie du Portal : « Hell, no ! », qu’on pourrait traduire par « Bon Dieu, sûrement pas ! »

La presse est particulièrement négative avec le Portal, bien plus qu’à la sortie des assistants de Google et Amazon, qui récoltent pourtant de pleines brassées de données personnelles et les utilisent pour vendre de la publicité ciblée. L’opinion publique américaine semble partager cette hiérarchie de la défiance. Selon un sondage Ipsos/Reuters, Facebook ne recueille la confiance que de 41 % des Américains, contre 62 % pour Google, et 66 % pour Amazon.

Une bonne idée gâchée ?

Cette tendance fait passer le produit à l’arrière de la scène médiatique. Portal offre une lecture intéressante de ce que pourrait être un assistant personnel à écran, un produit qui émerge depuis quelques mois sans avoir encore défini précisément sa raison d’être. Ce qui distingue le Portal n’est pas son assistant vocal, qui n’est autre qu’Alexa, l’assistant développé par Amazon, ni même ses menus visuels, conçus par Facebook. Ce sont ses fonctionnalités de communication.

Selon Facebook, le Portal est avant tout un visiophone qui permet de joindre ses contacts sur le réseau social. Et selon la presse américaine, qui a pu essayer le produit, c’est un visiophone innovant, qui permet de discuter tout en se promenant dans la pièce. Sa caméra voit très large, elle est capable de zoomer de façon numérique sur le correspondant, et de suivre ses déplacements afin de l’afficher en grand pour son interlocuteur. Outre les critiques, les médias américains admettent ainsi que discuter à l’aide du Portal est une expérience agréable (USA Today, The Verge, Engaget).

Ce qui fait dire au journaliste du Wall Street Journal que le Portal « n’a qu’un problème : il a été conçu par Mark Zuckerberg. [Il] va payer cher les années pendant lesquelles Facebook a joué négligemment avec notre vie privée ».