Les acteurs des filières agricoles ont été priés par M. Macron de prendre leurs responsabilités. / THIERRY ZOCCOLAN / AFP

Alors que l’agenda présidentiel était scruté, sur fond d’attente d’un remaniement du gouvernement imminent, Emmanuel Macron a reçu mardi 9 octobre, les représentants des filières agricoles. Au menu : la suite à donner à la loi alimentation adoptée par l’Assemblée nationale une semaine plus tôt. Avec une pression évidente mise par l’exécutif sur les acteurs économiques désormais placés devant leur responsabilité.

Les filières agricoles, sélectionnées comme étant les plus représentatives, sont venues passer leur grand oral à l’Elysée. Un exercice fait en présence du ministre de l’agriculture, Stéphane Travert. Les interprofessions des œufs, du lait, de la volaille, du porc, de la viande bovine, des fruits et légumes, des céréales, des oléagineux et du vin ont successivement expliqué où elles en étaient du plan de filière que leur avait demandé le président de la République.

En effet, le 11 octobre 2017, il y a quasiment un an jour pour jour, M. Macron avait prononcé son discours de Rungis. Un temps fort des Etats généraux de l’alimentation lancés en juillet 2017. Avec en ligne de mire la question de la guerre des prix destructrice de valeur et source de revenus non rémunérateurs pour les agriculteurs. Le président de la République avait alors évoqué une forme de donnant-donnant.

La balle est dans le camp des acteurs économiques

D’un côté, le gouvernement se disait prêt à légiférer pour fixer de nouvelles règles de négociations tarifaires au sein de la filière agroalimentaire. Comme d’inverser la logique de construction de prix en partant du coût de production de l’agriculteur et des indicateurs de marché, d’inciter à la contractualisation entre agriculteurs, industriels et distributeurs et de pousser les agriculteurs à se regrouper. Des éléments mis en musique dans le texte de loi votée par l’Assemblée le 2 octobre. Trois autres mesures-clés attendent la publication d’ordonnances. Le relèvement de 10 % du seuil de revente à perte, c’est-à-dire le prix en dessous duquel un distributeur ne peut revendre ses produits, l’encadrement des promotions et les sanctions pour prix abusivement bas.

De l’autre, M. Macron demandait aux filières de définir un plan de restructuration à cinq ans. Les plans de filière déposés en décembre 2017 évoquent pour la plupart une augmentation de la part de production bio ou sous label de qualité. Ainsi, la filière bovine s’est engagée à faire passer la part de la viande sous Label rouge de 4 % à 30 %, la filière laitière de doubler la part du bio pour atteindre 6 % des volumes ou la filière volaille d’augmenter de 50 % sa production bio. En outre, la loi a décidé de donner aux interprofessions la mission de définir les indicateurs qui fixeront la logique de prix. Elles sont donc venues présenter l’état d’avancement de leurs travaux à l’Elysée.

Pour M. Macron, maintenant que le gouvernement a fourni les outils législatifs, la balle est dans le camp des acteurs économiques et l’heure est au respect des engagements. Mais les interprofessions sont loin d’être encore en ordre de marche. D’abord dans certaines d’entre elles, la distribution n’est toujours pas entrée dans le cercle. C’est le cas pour la filière laitière ou celle des œufs. Dans d’autres cas, à l’exemple de la filière bovine, le torchon brûle entre agriculteurs et distributeurs, ces derniers refusant de prendre en compte la rémunération de l’agriculteur dans son coût de production.

Mieux se structurer

L’Elysée, par la voix de sa conseillère agricole, a donné quelques coups de semonce. Affirmant que les agriculteurs devaient mieux se structurer pour faire le poids dans les négociations. Ou évoquant une nécessaire restructuration des abattoirs. Le président a également parlé du plan d’investissement qui devait accompagner les projets agricoles, mais sans chiffrer l’enveloppe. Une aide financière conditionnée, elle aussi, à la réorganisation des filières.

Autre illustration de la doctrine politique de M. Macron, donnant la responsabilité aux acteurs : le glyphosate. Le gouvernement a refusé d’inscrire dans le texte de loi la sortie du glyphosate dans trois ans. Mais il s’apprête à créer une plate-forme où les agriculteurs prêts à se passer de cet herbicide partageront leur expérience. Une « start-up d’Etat », comme l’a qualifiée le président…