Dans la manifestation du 9 octobre 2018, contre les réformes du gouvernement, à Nice. / ERIC GAILLARD / REUTERS

Après des mois de concertation sur le futur système « universel » de retraite voulu par Emmanuel Macron, le gouvernement a dévoilé ses premiers arbitrages, mercredi 10 octobre, ce qui a satisfait la plupart des partenaires sociaux, sans dissiper toutes leurs craintes. C’est Jean-Paul Delevoye, le haut-commissaire chargé de piloter ce dossier, qui a exposé les grands principes, au cours d’une « réunion multilatérale » organisée au ministère des solidarités et de la santé.

Plusieurs de ses annonces confirment des pistes évoquées durant la campagne présidentielle ou au cours de la période récente. Ainsi, l’âge auquel les personnes pourront réclamer le versement de leur pension reste fixé à 62 ans. Il s’agira d’un système en points (et non en annuités, comme à l’heure actuelle), que les assurés accumuleront tout au long de leur vie professionnelle (aujourd’hui, seules sont prises en compte les vingt-cinq meilleures années, en termes de rémunération, pour le régime de base des salariés du privé).

Des points supplémentaires (entraînant une hausse de la pension) seront accordés dès le premier enfant, ce qui constitue une nouveauté (aujourd’hui, ce type d’avantage n’est prévu qu’à la troisième naissance). Le financement du système sera assuré par des cotisations sur les revenus et salaires que les personnes ont perçus, dans la limite de 120 000 euros bruts par an, ce qui constitue un seuil élevé englobant plus de 90 % des actifs.

Rassurer les interlocuteurs

L’exécutif a tenté de rassurer ses interlocuteurs en rappelant que les pensions de réversion seront maintenues, tout comme le minimum de pension pour les bas salaires et les carrières hachées. Idem s’agissant des mesures de solidarité qui existent aujourd’hui pour « les interruptions d’activité » comme le chômage, l’invalidité, la maladie ou la maternité.

A l’issue de la rencontre, le secrétaire général de FO, Pascal Pavageau, s’est dit « satisfait » d’avoir obtenu « plus d’éléments concrets que lors des six derniers mois », même s’il réclame toujours « que soient faites des simulations » sur des cas pratiques. Un état d’esprit partagé par le président du Medef Geoffroy Roux de Bézieux, « relativement satisfait dans l’ensemble », bien qu’il juge « indispensable » que le futur système de retraite « prenne en compte l’espérance de vie et d’éventuels gains de productivité ».

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M Roux de Bézieux continue de plaider pour un mécanisme « qui peut être l’âge pivot », afin d’inciter les Français à travailler plus longtemps. Son propos fait référence aux règles adoptées pour les retraites complémentaires du privé : à partir de 2019, les personnes affiliées à ces régimes subiront, pendant trois ans, une baisse de leur pension complémentaire si elles partent à la retraite avant un certain âge (qui peut varier de 63 à 67 ans, suivant les cas).

Déminer les dossiers délicats

Le numéro un de la CFDT, Laurent Berger, a salué « une réunion utile » qui a permis de mettre sur la table « un certain nombre d’éléments arbitrés ». Vice-présidente de la CFTC, Pascale Coton a estimé, elle, avoir « été entendue » sur les « mécanismes de solidarité ».
A l’inverse et sans surprise, la CGT n’est « pas favorable à ce projet » qui « fera baisser » les futures pensions « à un niveau proche du seuil de pauvreté pour beaucoup », selon Catherine Perret.

Beaucoup d’aspects de ce dossier ultrasensible restent à négocier, notamment la transition entre les 42 régimes de retraite actuels et le futur système « universel ». La réforme ne s’appliquera ni aux retraités actuels, ni à « ceux qui seront à moins de cinq ans de l’âge de départ au moment de l’adoption de la loi », selon M. Delevoye.

A court terme, le calendrier reste incertain : la concertation « nous amène déjà en avril-mai », a reconnu le haut-commissaire. Le texte que le chef de l’Etat voulait voir « voté au premier semestre » pourrait donc être déposé après les élections européennes, pour une adoption « dans le courant de l’année 2019 ». Un délai nécessaire pour déminer des dossiers délicats, comme les régimes spéciaux, les carrières longues, ou encore le sort des dizaines de milliards d’euros de réserves financières des régimes complémentaires, qui sont appelés à disparaître.