Le président du groupe LR à l’Assemblée nationale, Christian Jacob, le 9 octobre. / Thomas Padilla/MAXPPP

« Mascarade » et jeu de rôle. Face au théâtre d’ombres du remaniement gouvernemental, qui ne doit finalement pas intervenir, au plus tôt, avant vendredi 12 octobre, date du retour d’Emmanuel Macron d’un déplacement en Arménie, l’opposition a joué sa partition avec un plaisir non dissimulé. Toute la journée, les dirigeants de la droite et de la gauche ont insisté sur les difficultés de l’exécutif. « Jusqu’à quand cette mascarade va-t-elle continuer ? », a lancé, mardi, le président du groupe Les Républicains (LR) à l’Assemblée nationale, Christian Jacob, au premier ministre, Edouard Philippe. « La tragicomédie continue ! », a encore raillé le député de Seine-et-Marne, alors que la démission de Gérard Collomb du ministère de l’intérieur est intervenue une semaine plus tôt. « C’est une attente qui est longue : on est plus dans la République en surplace que dans La République en marche », a moqué ,de son côté, le vice-président de LR, Damien Abad.

Il n’était qu’à voir la liste des invités des matinales radio et télé, mercredi, pour comprendre que la droite, en particulier, comptait profiter de cette séquence percluse d’incertitudes du côté du pouvoir : Brice Hortefeux sur Europe 1, Eric Ciotti sur BFM-TV-RMC, Guillaume Larrivé sur Franceinfo… Les « tontons flingueurs » du président de LR, Laurent Wauquiez, étaient de sortie. « On ne remanie pas quand tout va bien, on remanie quand ça ne marche pas. Aujourd’hui la présidence Macron ça ne marche pas, a souligné M. Hortefeux, conseiller spécial de M. Wauquiez. Nous connaissons un désordre institutionnel et une pagaille politique. Jamais sous la Ve République on a eu sept ministres qui démissionnent en quinze mois. » « Vous avez une sorte de gouvernement fantôme, qui fait semblant d’être là tout en étant déjà plus vraiment là, ce qui traduit un vrai flottement au sommet de l’Etat », a estimé, de son côté, M. Larrivé, député de l’Yonne. Qui dénonce, de toute façon, un pouvoir où « les seuls vrais ministres, c’est les deux-trois conseillers qui entourent Emmanuel Macron à l’Elysée ».

Une forme de fébrilité

Cette omniprésence médiatique de représentants de LR visait aussi à masquer une forme de fébrilité alors qu’Emmanuel Macron pourrait, une nouvelle fois, venir piocher dans ses rangs pour promouvoir des ministres. Des débauchages souhaités par Edouard Philippe, lui-même transfuge de LR. « Le président de la République démontre son total isolement, sa solitude, il est obligé de puiser en permanence au-delà de ses amis, parce qu’ils sont très peu nombreux, a tenté de justifier Brice Hortefeux. Au rythme où vont les choses, l’ancien monde va devenir l’avenir. » Guillaume Larrivé a, lui, joué de la référence à l’instabilité gouvernementale de la IVe République pour minorer l’impact d’éventuels départs : « Les consultations menées par le président Félix Gaillard pourraient conduire à la nomination de trois sous-secrétaires d’Etat supplémentaires. Seuls restent en discussion, d’une part le volume des croquettes, d’autre part la couleur de la gamelle. »

Sur d’autres rives de la droite, plus modérées, ces éventuelles nouvelles nominations sont accueillies avec plus de bienveillance, pour ne pas dire d’entrain. « D’une manière générale, on a toujours intérêt à élargir », a ainsi estimé l’ancien premier ministre Jean-Pierre Raffarin, sur RTL. Ce proche d’Edouard Philippe a d’ailleurs tenu à relativiser le flottement en cours à la tête de l’Etat. « Tout dépend de l’ampleur du remaniement, a-t-il souligné. Si on remplace simplement quelqu’un, huit jours, c’est très long. Si on fait une nouvelle donne politique, avec un nouvel élan, avec une nouvelle lisibilité, à ce moment-là, il faut prendre son temps. »

Un optimisme qui n’est pas partagé du côté de La France insoumise. « Les noms ne changeront rien », considère le député de Seine-Saint-Denis, Alexis Corbière, raillant de potentiels « quatrièmes couteaux ». « Malgré des résultats médiocres, Emmanuel Macron a dit qu’il ne changerait pas de politique. Par conséquent, le pays n’a pas besoin d’un remaniement mais d’un changement de président », a lancé le député du Nord, Adrien Quatennens. En cette période d’incertitudes et d’instabilité gouvernementale, les oppositions n’ont pas oublié leur première cible : le président de la République.