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« Tamba, l’enfant-soldat », de Marion Achard et Yann Degruel

Front buté, visage fermé, le jeune Tamba se remémore la plus terrible période de sa vie. Durant des mois, dans son pays en guerre, il a combattu comme enfant-soldat. Enrôlé de force au cœur d’un conflit dont il ne comprenait pas les enjeux, il a été obligé de commettre des atrocités faute de perdre la vie. Un jour enfin, la paix est revenue. Mais dans les esprits de tous, les blessures sont restées vives. Tamba doit rendre compte de ses actes et s’expliquer publiquement devant une commission Vérité et réconciliation. Le garçon a-t-il été bourreau ou victime de la guerre ? Est-il totalement responsable des actes qu’il a commis ?

Ecrivain pour la jeunesse, Marion Achard a choisi cette fois la bande dessinée pour mettre en scène ce sujet délicat. L’auteur, par ailleurs artiste de cirque, en avait l’idée depuis 2000, alors qu’elle avait été invitée par une ONG à donner des spectacles et à animer des ateliers en Guinée, dans un camp de réfugiés. Le camp regroupait à l’époque de nombreux enfants libériens et sierra-léonais qui avaient fui les conflits ou en avaient été acteurs. « Je n’ai jamais su lesquels, parmi eux, pouvaient avoir tenu des armes, précise Marion Achard. Ils étaient tous dynamiques, joyeux… Je ne voyais que leur désir intense de vivre leur enfance ou d’en reprendre le fil. »

Dix-huit ans plus tard, l’idée a pris la forme d’un album qui touche les lecteurs en plein cœur. Tout en finesse, les illustrations de Yann Degruel parviennent à montrer la dureté des situations sans jamais recourir au sensationnel. Et malgré parfois quelques ellipses un peu maladroites, la réussite de cet album tient sans doute au fait qu’il n’a rien de didactique. On y chemine avec émotion au côté de Tamba, pour qui la parole, douloureuse mais nécessaire, représente un grand pas vers la reconstruction.

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« L’Envers des nuages », de Frédéric Richaud et Rafael Ortiz

Dans un camp de réfugiés cerné par la guerre, Florence, une reporter-photographe, va croiser la route du jeune Samy. La première doit photographier la vie quotidienne à l’intérieur du camp, les activités des réfugiés et le travail mené par le personnel humanitaire. Le second, à l’extérieur, doit répondre aux ordres de son chef, un milicien fracassé, cruel et ivre de destruction. Terrifié, Samy passe pour un poltron aux yeux de ses camarades. Lors de l’assaut du camp, il sauvera pourtant Florence de la mort, en tirant sur son chef sur le point de l’abattre.

Dans cette bande dessinée, deux histoires s’opposent et se répondent pour interroger l’absurdité de la guerre. La photographe veut mettre en lumière la dignité que parviennent à conserver les êtres, dans ces cités fragiles et hors du monde que sont les camps de réfugiés. L’enfant-soldat, quant à lui, recherche l’ombre et le souvenir de sa vie d’avant l’horreur. Un album efficace où la force des images de Rafael Ortiz sert un propos volontariste : faire comprendre et sensibiliser, sans pour autant juger.

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« Akissi », de Marguerite Abouet et Mathieu Sapin

La famille d’Akissi a un grand projet pour elle : l’envoyer vivre à Paris ! Dans le quartier, la nouvelle se répand et fait rêver tout le monde. Chacun se montre soudainement plein d’égards pour la petite, dans l’espoir des cadeaux à venir qu’elle enverra de France. Akissi est la seule pour qui ce départ est un grand malheur. En effet, comment peut-on quitter tout ce que l’on connaît pour aller vivre dans un pays où on se brosse les dents avec du camembert, où les hommes déambulent un béret sur la tête et où l’on boit du vin Château Margaux tellement vieux qu’il doit forcément être pourri ? Partir ? Mission impossible ! Aidée de ses amis, Akissi se rebiffe et mène l’enquête. Peut-être ses parents ne l’aiment-ils pas aussi fort qu’elle le croyait… Peut-être n’est-elle même pas vraiment la fille de sa mère et la petite-fille de son grand-père…

Avec ce huitième album de la série, Marguerite Abouet met une nouvelle fois et avec brio son imagination et son savoir-faire au service d’une histoire sucrée-salée qui ravira les enfants. Le style graphique de Mathieu Sapin, avec ses détails dans tous les coins et ses personnages au corps menu et à grosse tête, amplifie avec humour l’importance que peuvent avoir les questionnements et les émotions des plus jeunes. Car, à 6 ou 7 ans, les décisions tranchées des adultes peuvent transformer la vie quotidienne en une vraie grande aventure. Quel plaisir de se raconter des histoires ! Quelle joie de se faire un peu peur !

Tamba, l’enfant soldat, de Marion Achard et Yann Degruel, éditions Delcourt (18,95 €)

L’Envers des nuages, de Frédéric Richaud et Rafael Ortiz, éditions Glénat (14,50 €)

Akissi, de Marguerite Abouet et Mathieu Sapin, éditions Gallimard (10,50 €)