Le patriarche de l’Eglise orthodoxe ukrainienne, Filaret Denisenko, lors d’une conférence de presse à Kiev, le 11 octobre. / GENYA SAVILOV / AFP

Le patriarcat de Constantinople a officiellement reconnu, jeudi 11 octobre, une Eglise orthodoxe indépendante en Ukraine, à l’issue d’un saint-synode de deux jours à Istanbul.

Dans un communiqué publié à l’issue de ce synode, le patriarcat a annoncé « renouveler la décision déjà prise et selon laquelle le patriarcat œcuménique procède à l’octroi de l’autocéphalie à l’Eglise d’Ukraine ».

L’Eglise orthodoxe ukrainienne était jusqu’à aujourd’hui divisée en deux principales branches concurrentes, dont la plus importante dépend de Moscou depuis la fin du XVIe siècle. Après la chute de l’URSS, dès 1992, une partie de la hiérarchie religieuse ukrainienne avait fait sécession de ce contrôle russe, donnant naissance au patriarcat de Kiev. Filaret Denisenko, ancien hiérarque du patriarcat de Moscou, s’en était autoproclamé patriarche et avait été excommunié par Moscou.

Le saint-synode a également décidé, jeudi 11 octobre, de « rétablir dans sa fonction hiérarchique » le patriarche Filaret Denisenko, après avoir examiné un appel qu’il avait présenté contre son excommunication.

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Le président ukrainien Petro Porochenko s’est immédiatement félicité de cette décision au cours d’une allocution diffusée en direct à la télévision, saluant la fin de l’« illusion impériale et des fantaisies chauvinistes » de Moscou et « un nouvel acte d’indépendance » de l’Ukraine.

A Moscou, l’Eglise russe a, pour sa part, qualifié cette décision de « catastrophe » et de « schisme », estimant que le patriarcat de Constantinople, avec lequel les relations étaient déjà difficiles, avait, désormais, « franchi la ligne rouge ».

Une indépendance pressentie depuis plusieurs semaines

Lors du synode, qui s’était ouvert mercredi, deux émissaires du patriarcat de Constantinople dépêchés en Ukraine en septembre pour évaluer la situation, ont exposé les résultats de leur mission et les contacts qu’ils ont eus sur place. La mission de ces deux émissaires à Kiev avait été interprétée comme le préambule d’une reconnaissance par Constantinople d’une Eglise orthodoxe ukrainienne indépendante.

L’un des deux émissaires, l’archevêque américain Daniel, avait d’ailleurs affirmé sur place le 17 septembre que la création d’une Eglise orthodoxe ukrainienne indépendante, voulue par Kiev et reconnue hors de l’Ukraine, était d’ores et déjà « décidée », malgré la vive opposition du patriarcat de Moscou.

Un quart d’heure à peine après l’annonce du patriarcat de Constantinople, basé à Istanbul, le patriarche Filaret Denisenko a donné une conférence de presse. Réunis derrière l’imposante cathédrale du XIXe siècle Saint-Volodymyr, aux coupoles bleues, frappées d’étoiles dorées, des dizaines de journalistes ont été rejoints par des fidèles et simples passants, qui suivaient attentivement ses propos ou le photographiaient.

Mgr Filaret, âgé de 89 ans, a annoncé la convocation « prochainement » d’un synode visant à réunir les principales confessions orthodoxes existant actuellement dans cette ex-République soviétique.

« C’est Moscou qui veut une confrontation. Nous, les Ukrainiens, n’en voulons pas », a-t-il assuré, sous les applaudissements. « Nous y sommes prêts, nous avons prié pour cela et nous attendons qu’il y ait enfin une vraie Eglise ukrainienne, avec des prières en ukrainien », a déclaré à l’AFP Lioudmyla Kosnour, une fidèle favorable à l’autocéphalie, après avoir écouté Mgr Filaret.