« Il faut être inventif. » C’est ainsi que le sélectionneur de l’équipe de France féminine de water-polo, Florian Bruzzo, résume la démarche de la Fédération française de natation. Celle-ci a décidé d’inscrire les nageuses du Centre national d’entraînement au championnat national élite cette saison, sous le nom à peine dissimulé d’« Insep WP ».

Pour son premier match, samedi 13 octobre, le nouveau « club » reçoit Lille, qui règne sur le championnat depuis cinq ans. « La tempête avant le calme », confie Florian Bruzzo, qui supervise aussi cette équipe.

L’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep) n’est pas l’équipe de France, des joueuses d’autres clubs pourront rejoindre la sélection pour les matchs officiels. Mais l’objectif in fine n’est pas caché : le sélectionneur des Bleues pense déjà à Paris 2024, et créer ainsi de la concurrence dans le championnat français doit faire progresser ce sport chez les femmes.

« Les filles ne bénéficient pas des mêmes conditions de travail que les garçons », explique l’ancien coach de la sélection masculine. Certains clubs ont parfois du mal à avoir accès aux piscines, les nageuses sont reléguées sur les côtés des bassins.

Paris 2024 : une fenêtre d’opportunité

L’attribution des Jeux olympiques (JO) à la France a bousculé le calendrier. L’an dernier, un pôle féminin France avait été constitué à Nice pour le water-polo. Cette année, à l’Insep, les quinze poloïstes âgées de 14 à 27 ans qui ont rejoint le campus parisien profiteront de l’expertise des lieux avec entraînements quotidiens et suivi médical.

Par le passé, l’équipe de France féminine a remporté deux médailles de bronze aux championnats d’Europe. C’était en 1987 et 1989. Depuis, rien. Les Bleues bataillent aujourd’hui pour réémerger. Lors des derniers championnats du monde, la France a fini onzième.

Mais si elle est loin des têtes d’affiche que constituent les Etats-Unis, l’Australie ou la Chine, l’équipe a une carte à jouer en Europe. « On est dans un no man’s land, explique Florian Bruzzo, on n’a pas le niveau pour être dans les six meilleures équipes, mais on a dix buts d’avance sur le reste. » Devant, la Russie, la Hongrie, la Grèce, l’Espagne, l’Italie et les Pays-Bas continuent d’imposer leur loi, mais les Françaises réduisent l’écart.

L’objectif est d’accéder à ce groupe de favoris européens pour décrocher un ticket pour les JO de Tokyo, en 2020, et pour gagner une grande expérience internationale avant Paris 2024. L’équipe de France féminine n’a jamais disputé les Jeux olympiques. Qualifiée automatiquement pour 2024, Paris sera une grande première.

Une concurrence bienvenue

A Lille, on salue la création de cette équipe. Les Nordistes ont laissé partir quelques jeunes perles comme Lou Jean-Michel (équipe de France junior), mais elles restent ultrafavorites avant le match de samedi. Ces cinq dernières années, les défaites du club se comptent sur les doigts d’une main.

« C’est très bien, on veut de la compétition, on a aussi besoin de perdre pour progresser », affirme Filippos Sakellis, entraîneur des Lilloises et ex-coach des Bleues. Si le club survole le championnat français depuis des années, il n’arrive pas à percer au niveau européen.

Alors, dans la région qui a vu naître le water-polo en France, on pense aussi au futur. Cette année, le club a ouvert une école de water-polo pour les moins de 11 ans, une première en France.

La démarche de la fédération rappelle celle de l’Angleterre avant les Jeux de Londres en 2012. Là aussi la sélection nationale avait été inscrite comme « club » dans le championnat très relevé de Hongrie.

Les Anglaises avaient fini huitièmes sur huit, malgré une bonne performance au tournoi olympique. Mais, depuis, l’équipe est tombée aux oubliettes. Le pays n’a même pas envoyé de sélection aux derniers championnats d’Europe, en 2018. Un exemple que les Françaises veulent éviter de suivre.

Elles rêvent plutôt d’écrire l’histoire. La dernière fois que Paris a accueilli les Jeux, l’équipe de France masculine a remporté le tournoi. C’était en 1924. Cent ans après, l’exploit peut-il se conjuguer au féminin ?