Les portraits des deux candidats à la canonisation ont été exposés au Vatican. / ALESSANDRO BIANCHI / REUTERS

Deux personnalités contestées en leur temps, l’archevêque salvadorien assassiné Oscar Romero et son ami le pape italien Paul VI, ont pris une revanche dimanche 14 octobre en se faisant canoniser sur la place Saint-Pierre, à Rome. Plus de 60 000 fidèles et de nombreux chefs d’Etat étaient attendus au Vatican pour la cérémonie.

Au total, sept bienheureux ont été élevés au rang de saints, dont deux prêtres italiens, deux fondatrices d’ordre religieux et un jeune orphelin de 19 ans, Nunzio Sulprizo, né au XIXe siècle. Mais deux d’entre eux concentrent l’attention : l’archevêque salvadorien Oscar Romero, véritable icône en Amérique latine, et le pape italien Paul VI, qui avait été son professeur à Rome, et qui a été critiqué pour avoir condamné la pilule en pleine révolution sexuelle.

  • Mgr Oscar Romero, le défenseur des « sans-voix »

Né en 1917 dans un village de planteurs de cafés, à 150 km de la capitale du Salvador, Oscar Arnulfo Romero était un archevêque salvadorien conservateur, avant de se transformer en un ardent défenseur des droits humains, jusqu’à être assassiné en pleine messe en 1980.

Après des études au séminaire au Salvador, il est envoyé à Rome, où il est ordonné prêtre en 1942. En 1970, il est désigné évêque auxiliaire de San Salvador, puis évêque de Santiago de Maria. Lorsqu’il devint en 1977 archevêque de la capitale San Salvador, rien ne prédestinait ce prélat de 59 ans, plutôt traditionnaliste, à devenir la bête noire de l’oligarchie en place.

Mais l’assassinat par des escadrons de la mort de son ami jésuite, Rutilio Grand, avec deux paysans en mars 1977 le fit changer du tout au tout : dès lors il devient « la voix des sans voix » mettant son talent oratoire au service de la dénonciation des crimes, enlèvements et assassinats menés par l’armée salvadorienne et les escadrons de la mort.

Cet adepte de la théologie de la libération a été assassiné en pleine messe par un commando d’extrême droite, le 24 mars 1980. Ni les tueurs ni ses commanditaires n’ont comparu en justice. Mais cet assassinat, suivi d’un attentat qui a fait quarante morts lors des funérailles, a contribué à diviser le pays, qui s’est enfoncé dans une guerre civile de douze ans (1980-1992) ayat fait 75 000 morts et 7 000 disparus.

L’Eglise a longtemps bloqué toute reconnaissance officielle du prélat des pauvres. Mais deux ans après l’élection du pape François, le Vatican a reconnu son « martyr », ouvrant la voie à sa béatification en mai 2015 devant plus de 200 000 fidèles à San Salvador.

Comme l’actuel pape argentin, l’archevêque Romero fustigeait le libéralisme économique qui opprimait les plus pauvres dans son pays. Critiqué par l’épiscopat latino-américain, il a notamment été accusé d’être un « déséquilibré » et « un marxiste ».

  • Le pape italien Paul VI, réformateur mais anti-pilule

Paul VI, né Giovanni Battista Montini en 1897, a été pape de 1963 à 1978, achevant le concile Vatican II lancé par son prédécesseur Jean XXIII, considéré comme une adaptation majeure de l’Eglise au monde moderne. Celui qui fut béatifié en octobre 2014 est aussi celui qui dit « non » en 1968 à la pilule contraceptive, suscitant des réactions très négatives y compris au sein de l’Eglise.

Le pape François fait coïncider sa canonisation avec le synode consacré aux jeunes en cours au Vatican, honorant ainsi celui qui avait institué cette assemblée consultative des évêques. Il cite souvent les écrits de Paul VI et les deux hommes ont en commun une volonté de réforme de la Curie romaine et d’atteindre la justice sociale.

Paul VI doit sa canonisation au miracle présumé d’une petite fille italienne née très prématurément en 2014 malgré le percement de sa poche amniotique et les conseils d’avortement des médecins. La mère avait prié devant une relique de Paul VI dans un sanctuaire de Brescia.

L’encyclique Humanae Vitae de 1968 de Paul VI se prononce précisément contre la contraception et l’avortement pour des raisons thérapeutiques. C’est au nom de ce même respect pour l’embryon que le pape François a comparé mercredi 10 octobre l’avortement au recours à « un tueur à gages », suscitant un tollé en France cinquante ans après l’encyclique décriée de Paul VI.