Mutsamudu, la capitale de l’île d’Anjouan, aux Comores, en 2007. / Ed Harris / REUTERS

De violents affrontements ont opposé, lundi 15 octobre, l’armée comorienne à des manifestants qui avaient érigé des barricades dans la capitale de l’île d’Anjouan, Mutsamudu, pour protester contre la dérive jugée autoritaire du président Azali Assoumani. Le ministre de l’intérieur, Mohamed Daoud, a annoncé l’instauration d’un couvre-feu « à Mutsamudu et ses environs » de 20 heures à 6 heures et accusé le parti d’opposition Juwa d’être à l’origine des incidents.

Selon des témoignages recueillis par l’AFP au téléphone, les violences ont débuté tôt lorsque des protestataires ont barré avec des troncs d’arbre plusieurs rues de Mutsamudu et la plupart des routes qui y mènent. L’armée est rapidement intervenue pour enlever les barrages et chasser leurs occupants. « Ça a commencé vers 4 heures du matin et ça a duré pendant près de trois heures, on a entendu des tirs, des tirs… », a déclaré un habitant de la ville.

Le gouverneur de l’île, Abdou Salami Abdou, membre du parti Juwa, a confirmé ces incidents. « Oui, on vit ça depuis ce matin, ça tire un peu partout », a-t-il dit à l’AFP à la mi-journée. Aucune victime ni arrestation n’a été officiellement confirmée. « La situation est calme sur l’île, toutes les routes ont été rouvertes », a assuré en soirée le ministre Mohamed Daoud. Des habitants contactés en soirée par l’AFP ont affirmé à l’inverse que des échauffourées s’y poursuivaient. « Maintenant ça tire de toutes parts », a indiqué un habitant de Mutsamudu.

Référendum aux allures de plébiscite

La situation politique est très tendue depuis plusieurs mois aux Comores, où le président Azali Assoumani a fait interpeller récemment des dizaines de membres de l’opposition accusés de « complot » contre son régime. Parmi eux figure l’ancien président de l’archipel, Abdallah Sambi, inculpé dans une affaire de corruption et assigné depuis cinq mois à résidence dans la banlieue de Moroni. Chef du parti Juwa, M. Sambi est originaire de l’île d’Anjouan.

En juillet, le chef de l’Etat avait vu ses pouvoirs renforcés lors d’un référendum aux allures de plébiscite (92,74 % de oui) boycotté par ses adversaires. Ce changement l’autorise à accomplir deux mandats successifs au lieu d’un seul. Ancien putschiste élu en 2016, Azali Assoumani a annoncé son intention d’organiser un scrutin présidentiel anticipé, l’an prochain, qui lui permettrait de remettre les compteurs électoraux à zéro et de régner sur l’archipel, en cas de victoire, jusqu’en 2029. Ses adversaires lui reprochent de vouloir se maintenir « coûte que coûte » et qualifient son régime de « république bananière ».

Lundi soir, le ministre de l’intérieur a accusé le parti Juwa et le gouverneur de l’île d’être à l’origine des troubles. « Ses responsables ont été individuellement clairement identifiés, a assuré Mohamed Daoud. Le responsable, c’est l’exécutif de l’île d’Anjouan. Et qui dit exécutif d’Anjouan dit parti Juwa. » Les manifestants « disposent d’armes à feu et s’en servent contre les forces de l’ordre », a affirmé le ministre : « Jusqu’à présent, les forces de l’ordre, elles, n’ont pas ouvert le feu, sinon pour des tirs de sommation. »

Tensions récurrentes avec Paris

M. Daoud a également affirmé détenir des informations selon lesquelles « des embarcations chargées d’hommes armés » étaient parties de l’île française voisine de Mayotte et arrivées à Anjouan. « Le gouvernement va prendre ses responsabilités et les mesures qui s’imposent, a-t-il promis. Sa priorité est de rétablir l’ordre public et d’assurer la sécurité de la population. »

Les tensions sont récurrentes entre Paris et Moroni qui, soutenu par plusieurs résolutions de l’ONU, refuse de reconnaître le référendum de 1974 par lequel les habitants de Mayotte ont choisi de rester dans le giron français. Les Comores ne sont éloignés que de 70 km des côtes de Mayotte. Ses habitants sont nombreux à risquer la traversée pour immigrer à Mayotte.