Gabriel Attal le 3 avril 2018. / Charles Platiau / Reuters

Sa promotion était attendue, tant son nom circulait depuis plusieurs mois pour occuper un poste gouvernemental. C’est désormais officiel : le député La République en marche (LRM) des Hauts-de-Seine, Gabriel Attal, 29 ans, a été nommé le 16 octobre secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’éducation nationale, chargé de la jeunesse et de la mise en place du service national universel (SNU).

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Tout sauf une surprise : cet ancien socialiste fait figure d’étoile montante de la Macronie depuis le début du quinquennat. Chez les partisans du chef de l’Etat, le jeune loup a très vite été considéré comme le député de la majorité le plus talentueux, avec sa collègue de l’Essonne Amélie de Montchalin.

Un titre officieux, qu’il a su gagner grâce à son sens politique et à son aisance à l’oral. Et surtout, en profitant du vide. Alors que beaucoup de ses collègues du groupe LRM, composé à majorité de novices, n’osaient pas prendre la parole en public au début de la législature, lui a très vite crevé l’écran en défendant l’action d’Emmanuel Macron avec un aplomb et une facilité déconcertants pour son jeune âge. Sur deux terrains de jeux principaux : dans les médias et dans l’Hémicycle.

« Bon élève »

Le chef de l’Etat se retrouve au cœur d’une polémique ? Il n’hésite pas à monter au créneau sur les chaînes d’information pour plaider sa cause. Idem au Palais-Bourbon, lorsque l’opposition attaque l’exécutif ou critique un point clé du projet présidentiel. Depuis le début du quinquennat, Gabriel Attal a toujours fait preuve d’une loyauté absolue envers le locataire de l’Elysée, qu’il a décidé de rejoindre dès la création du mouvement En marche ! en 2016. « Je crois en Macron. J’ai une vraie fidélité pour lui car je suis convaincu par la pertinence de son projet, confiait-il en octobre 2017. A mes yeux, une seule chose compte : la réussite du président de la République. »

A la différence d’autres députés du groupe LRM, Gabriel Attal dispose d’un accès privilégié à l’Elysée, qui lui dicte les éléments de langage à répercuter dans les médias. Une tâche dont il s’acquitte sans réserve, en vrai avocat du macronisme. Au risque d’aller parfois un peu loin, comme lorsqu’il a dénoncé « la gréviculture », début avril, sur France Inter, à la veille du lancement de la mobilisation des cheminots contre la réforme de la SNCF.

Ce zèle à défendre chaque action du chef de l’Etat lui a permis d’être promu porte-parole du mouvement La République en marche, fin 2017. Cela lui vaut également des critiques au sein de l’opposition, mais aussi chez certains élus de la majorité. Ses détracteurs raillent son côté « bon élève », « sans véritable conviction », capable d’adapter son discours uniquement pour défendre « son dieu », Emmanuel Macron. Cela ne l’empêche pas de cultiver une certaine liberté de parole. Ainsi, en mai, il n’avait pas hésité à prendre ses distances avec les propos polémiques de l’ex-ministre de l’intérieur Gérard Collomb, qui avait estimé que les migrants faisaient du « benchmarking » en comparant les pays européens. « Moi je pense que, s’il y a un benchmark qui est fait aujourd’hui par les migrants, il est assez simple : c’est mourir chez eux, ou survivre ailleurs », avait-il cinglé.

Gardien du temple

Mais M. Attal ne s’est pas contenté de faire ce travail de communication. A l’Assemblée, en gardien du temple, il a veillé à la bonne exécution du programme du candidat Macron au poste-clé de « whip » (député coordinateur) de la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Et il s’est investi sur deux autres grands sujets au Palais-Bourbon. En décembre 2017, il a été nommé rapporteur du texte sur la réforme de l’accès à l’université et a travaillé à la réforme de l’audiovisuel public au sein d’un groupe de travail.

L’examen du premier texte, dont les débats se sont essentiellement focalisés sur le dispositif Parcoursup, lui a permis de se distinguer par sa capacité à ferrailler avec l’opposition dans l’Hémicycle, en particulier avec La France insoumise (LFI), qu’il cible prioritairement dans ses prises de position. Le 15 mai, il avait profité de sa question au gouvernement pour fustiger le soutien du député LFI Eric Coquerel à des étudiants qui avaient bloqué des examens quatre jours plus tôt à Arcueil (Val-de-Marne). Dénonçant avec force l’action « d’agitateurs politiques qui instrumentalisent la jeunesse », il avait recueilli une ovation de la majorité dans l’Hémicycle… et s’était attiré en retour une réponse acerbe de Jean-Luc Mélenchon en personne.

Si l’ascension politique de ce fidèle d’Emmanuel Macron a éclaté récemment aux yeux du grand public, elle ne date pourtant pas d’hier. Cette figure du « nouveau monde » est en réalité une émanation de « l’ancien » : alors que nombre de ses collègues sont des novices en politique, lui disposait déjà d’une vraie expérience de la politique en entrant à l’Assemblée. Lors du précédent quinquennat, Gabriel Attal a passé cinq ans au cabinet de la ministre de la santé, Marisol Touraine. Auparavant, ce jeune issu d’un milieu aisé a fait ses études à Sciences Po, avant de s’implanter à Vanves (Hauts-de-Seine), où il habite et dont il est devenu conseiller municipal.

« Je ne crois pas au clivage »

Sa première famille politique était le Parti socialiste, où il a adhéré en 2006 afin de soutenir la candidature de Ségolène Royal à l’élection présidentielle. Dès le départ, il se situait dans le sillage de cette « deuxième gauche » pour qui l’entreprise et le libéralisme ne sont pas des gros mots, tout en ayant des convictions humanistes assumées. « J’ai adhéré au PS en étant dans la mouvance de Dominique Strauss-Kahn », rappelle-t-il, se souvenant avoir été identifié à l’époque comme un élément de la « gauche réformiste ». Après avoir suivi de loin la campagne présidentielle de 2012 dans l’écurie du strauss-kahnien, Pierre Moscovici, il rentre au cabinet de Marisol Touraine en étant le numéro deux de l’actuel porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux. Alors que ce dernier s’occupait de préparer les discours de la ministre, le jeune Attal, lui, était chargé des relations avec le Parlement.

Il attribue sa rupture avec le PS, en 2016, à une forme de « dogmatisme » qui lui devenait insupportable. Le révélateur ? Lorsque des élus socialistes se sont opposés à la loi Macron, notamment sur le travail du dimanche. « Moi, j’ai toujours considéré qu’on pouvait travailler avec des centristes, des gens de droite et je ne crois pas au clivage », expliquait-il il y a quelques mois. Une forme de « en même temps » très macroniste. Il assurait encore « ne pas vouloir passer toute sa vie en politique » et « ne pas avoir d’ambitions personnelles ». Mais cela, c’était avant qu’on lui propose un poste au gouvernement.