« Nous voulions voir à quoi ressemblerait Google s’il revenait en Chine. C’est cela que nous avons construit en interne. » Pour la première fois depuis la révélation de l’existence du projet Dragonfly au sein de Google (une version du moteur de recherche à destination du territoire chinois, en intégrant les règles de censure voulues par les autorités), le président-directeur général, Sundar Pichai, a assumé publiquement l’existence du prototype et a tenté de répondre aux controverses suscitées par ce projet.

Lors d’une conférence donnée lundi 15 octobre pour le magazine Wired, Sundar Pichai a défendu Dragonfly en admettant que Google considérait un retour dans le pays, après avoir pourtant fermé ses bureaux en Chine en 2010, précisément pour ne pas avoir à censurer ses résultats de recherche. Une décision à l’époque saluée par les défenseurs des droits humains.

« Informations utiles »

« Nous tenons à notre mission de fournir de l’information au monde entier, et la Chine représente 20 % de la population mondiale », a réagi Sundar Pichai, lors de sa conférence. « Les gens ne comprendront pas toujours tout, mais nous considérons toujours différentes valeurs. Parmi ces valeurs, l’accès à l’information, la liberté d’expression et la vie privée des utilisateurs. Mais nous respectons aussi la loi dans tous les pays. »

Le PDG de Google a aussi avancé qu’avec Dragonfly Google « serait en mesure de répondre à plus de 99 % des recherches » d’internautes chinois, alors « qu’il y a beaucoup, beaucoup de domaines dans lesquels nous pourrions fournir une information de meilleure qualité que celle qui est actuellement disponible » pour la population du pays, selon lui.

M. Pichai a évoqué comme exemple des résultats de recherche Internet donnant actuellement en Chine des « faux traitements contre le cancer » (sans préciser s’il visait, avec ces déclarations, le principal moteur de recherche actuellement disponible en Chine : Baidu). Selon lui, Google serait davantage en mesure de fournir des « informations utiles » à la population sur le sujet, une affirmation qu’il n’a toutefois pas prouvé, et qui ne semble pas prendre en compte le fait que Google peut, lui aussi, diffuser de fausses informations sur certains sujets médicaux.

Vives critiques internes et externes

La révélation de l’existence de Dragonfly avait déclenché un scandale cet été. Le vice-président des Etats-Uni, Mike Pence, avait estimé que Dragonfly « renforcera[it] la censure du Parti communiste chinois et compromettra[it] la vie privée des utilisateurs chinois. »

Selon les informations révélées par The Intercept, le prototype de Google n’affichait pas de résultats sur certaines recherches – par exemple celles liées au soulèvement de la place Tiananmen en 1989. Fonctionnant dans une application Android, Dragonfly permettrait également, selon des documents internes de Google rendus publics, d’identifier des internautes faisant certains types de recherches.

Un éventuel retour de Google en Chine avait aussi provoqué de vives critiques, y compris en interne. Fait rarissime, des employés de l’entreprise avaient publiquement critiqué le projet. Dans des réunions internes et dans des communiqués publiés depuis cet été, Google a affirmé que Dragonfly n’était qu’à l’état de projet, et qu’un déploiement n’était pas à l’ordre du jour. Mais des documents internes également révélés par The Intercept donnent une toute autre vision d’un projet qui devait être « prêt pour un déploiement rapide. »