Des députés du FLN et du RND bloquent l’accès à l’Assemblée populaire nationale, à Alger, le 16 octobre 2018. / RYAD KRAMDI / AFP

En Algérie, la scène suscite des commentaires acerbes sur les réseaux sociaux : des députés de la majorité, notamment du Front de libération nationale (FLN) et du Rassemblement national démocratique (RND), ont cadenassé, mardi 16 octobre, la porte d’entrée du siège de l’Assemblée populaire nationale (APN) pour empêcher son président, Saïd Bouhadja, d’y accéder. C’est le résultat de la crise qui oppose ces parlementaires au titulaire du perchoir depuis que, le 23 septembre, M. Bouhadja a limogé le secrétaire général chargé de l’administration, Bachir Slimani.

Téléguidés par leur secrétaire général, Djamel Ould Abbès, les députés du FLN, rejoints par ceux du RND, du premier ministre Ahmed Ouyahia, accusent M. Bouhadja de « mauvaise gestion » et de « frais de mission » excessifs. Lui réplique qu’il a au contraire mis de l’ordre et découvert que des députés s’accaparaient jusqu’à quatre ou cinq voitures de service pour leur usage personnel. Une réponse qui a fait fureur sur les réseaux sociaux, où s’exprime ouvertement le mépris de nombreux Algériens à l’égard de députés « payés 270 000 dinars par mois [environ 1 950 euros] juste pour lever les mains [approuver les lois] et faire des affaires ».

Pour beaucoup, la question du secrétaire général n’est en réalité qu’un prétexte. « Le gaspillage au sein des institutions n’a jamais été source de conflit ouvert, cela se règle à huis clos », souligne un ancien député. Dès lors, pourquoi cette crise ? Certains analystes évoquent un possible lien avec les incertitudes sur la candidature du président Abdelaziz Bouteflika, 81 ans et malade, à l’élection prévue en avril 2019. Le président de l’Assemblée n’a toutefois pas de rôle significatif en cas de vacance du pouvoir : selon la Constitution, c’est le président du Conseil de la nation (le Sénat algérien) ou, à défaut, le président du Conseil constitutionnel, qui assure l’intérim.

Remue-ménage dans l’armée

L’affaire intervient par ailleurs alors qu’un remue-ménage sans précédent se déroule au sein de l’armée. Des généraux en poste depuis de très longues années ont été placés en détention provisoire, dimanche, sous l’accusation de « biens mal acquis » et de « corruption », à peine deux mois après avoir été relevés de leurs fonctions.

Après avoir semblé sur le point de céder, M. Bouhadja est entré en résistance en déclarant qu’il ne se démettrait que si le président Bouteflika lui en faisait la demande. La Constitution et le règlement intérieur de l’Assemblée sont en sa faveur : rien ne l’oblige à démissionner dans les circonstances actuelles. Ancien maquisard, M. Bouhadja, qui a reçu l’appui de la puissante organisation nationale des moudjahidine (anciens combattants), bénéficie depuis d’une popularité inattendue. Sur les réseaux sociaux, on l’appelle à ne pas céder et à « mourir debout ». L’homme s’est même offert le luxe d’une sortie hors du temple, le 11 octobre, en s’attablant à une terrasse de café et en prenant des photos avec des passants. De quoi révulser le secrétaire général du FLN, qui l’a accusé de ne « pas respecter les institutions ».

Le refus de M. Bouhadja crée une situation inextricable, d’autant que la présidence de la République ne semble guère désireuse de s’impliquer. « Il n’y a pas eu de coup de fil de la présidence et il n’y en aura pas. Saïd Bouhadja n’a pas été nommé par décret. Il n’a pas été désigné par le président de la République », a affirmé Ahmed Ouyahia. Mais le premier ministre est lui-même sorti du droit en demandant à M. Bouhadja de partir, estimant que « la légitimité du terrain est supérieure à la légitimité des lois ». A quelques mois d’une élection présidentielle très incertaine, tout cela témoigne d’une certaine fébrilité au sein du sérail.