A Los Angeles, LeBron James rejoint les Lakers, mais également Hollywood. / Orlando Ramirez / USA TODAY Sports

Dans la pénombre du Staples Center, la foule de Los Angeles acclame LeBron James. S’il a rallié cet été le panache pourpre et or de l’équipe des Lakers, hôtes de la salle Angeleno, le meilleur joueur de basket de la planète n’est pas là, ce dimanche 14 octobre, pour le ballon orange. Il a été convoqué sur scène par le rappeur Drake, qui joue devant une salle comble et conquise. Quelques pas de danse, des couplets scandés, le nouveau roi de Los Angeles savoure.

Cette scène traduit bien les deux facettes du personnage : d’un côté, la star du basket, dont l’arrivée en Californie constitue l’un des événements majeurs de la nouvelle saison de NBA, le championnat nord-américain ; de l’autre, le businessman avisé, déjà bien implanté dans le monde de l’entertainment. Et, à Los Angeles, LeBron James semble bien décidé à pouvoir concilier ces deux univers.

Basketteur, il y entame sa conquête de l’Ouest : en quittant le club de Cleveland, où il évoluait jusqu’alors, il va jouer pour la première fois dans la conférence Ouest de la NBA. Et il ne manque pas de raisons sportives pour justifier son choix d’épouser la cause des Lakers. Il assure d’ailleurs que sa « décision de venir ici est purement liée à [sa] famille et au basket » et qu’il a pour ambition de redorer le blason d’une « franchise mythique ».

Dans la cité des Anges, à proximité d’Hollywood, capitale mondiale de l’entertainment, le septième meilleur marqueur de l’histoire de la NBA, 33 ans, sera également plus à même de partager son temps entre la poursuite d’un quatrième titre de champion NBA et le développement de son florissant empire.

« Il est sur la pente descendante de sa carrière et veut devenir un magnat à Hollywood »

Ce qui n’a pas manqué de susciter quelques interrogations sur son investissement basket et sur l’intérêt de son arrivée pour les Lakers. « Cette signature est une décision de business. Il est sur la pente descendante de sa carrière et veut devenir un magnat à Hollywood », a par exemple lâché Charles Barkley, ancien ailier devenu consultant. Pour lui, l’affaire est entendue : si LeBron James avait souhaité privilégier le sportif, il n’aurait pas signé dans un club « loin des meilleures équipes », tout historique fût-il.

L’intéressé assure, lui, que « toutes [ses] activités ici sont sur les rails depuis longtemps et avancent sans [lui] ». Depuis 2006, et la création de SpringHill Entertainment, avec son ami d’enfance Maverick Carter, la star a posé son – grand – pied dans le monde du divertissement. Athlète engagé, LeBron James n’a jamais dissimulé ses velléités de casser la case à laquelle les sportifs de haut niveau seraient assignés.

« Shut up and dribble »

Cible du président Donald Trump pour ses prises de position en faveur des droits des Noirs américains, le quadruple MVP (meilleur joueur) de la NBA a transformé l’insulte d’une présentatrice conservatrice à son encontre – « Shut up and dribble » (« tais-toi et dribble ») –en une série documentaire explorant le rôle politique et culturel des sportifs.

Il s’agit là d’un des nombreux projets à son image, associant engagement et investissements, à avoir récemment été annoncé par le joueur, qui bénéficie, depuis 2015, d’un bureau dans le prestigieux studio Warner Bros. Cette année-là, James affirmait depuis Cleveland son intention d’établir un empire du divertissement. Près de quatre ans et un titre de champion de NBA plus tard, c’est en producteur reconnu qu’il investit Hollywood.

Signe que les temps ont changé, en septembre, le magazine spécialisé The Hollywood Reporter a publié son annuelle liste des « 100 personnes les plus puissantes d’Hollywood », plaçant le patron de l’empire Disney, Bob Iger en tête. Pourtant, c’est LeBron James, numéro 75 de la liste, qui a eu l’honneur de la « une » de l’hebdomadaire.

« Je n’aurais jamais fait ça s’il s’était simplement agi de l’arrivée d’un joueur aux Lakers ayant, par ailleurs, une boîte de production, a justifié le directeur éditorial du magazine, Matthew Belloni. Je le trouve intéressant parce qu’il n’est pas là pour plaisanter, qu’il est crédible et que les gens de cette ville veulent vraiment travailler avec lui. »

Ce sera le cas de Ryan Coogler, le réalisateur du blockbuster Black Panther, qui a bousculé les schémas hollywoodiens. « Ryan a offert aux enfants de cette génération quelque chose que je n’avais pas quand j’étais petit, a insisté LeBron James, un film de super-héros avec un casting afro-américain. »

« Plus qu’un basketteur »

S’il ne sera pas derrière la caméra, Coogler produira la suite du populaire Space Jam (1996), dans lequel Michael Jordan s’associait aux personnages des dessins animés les Looney Tunes pour affronter des extraterrestres sur un terrain de basket. Dans le volume 2, James chaussera les baskets de Jordan. Une fois encore.

Car le numéro 23 des Chicago Bulls a inspiré celui des Lakers. Si leur jeu n’a pas grand-chose à voir – James a un esprit altruiste que le tueur Jordan n’avait pas développé –, comme « His Airness », seul propriétaire noir d’une franchise NBA, LeBron aspire à être « plus qu’un basketteur ».

« On a pris un peu de Jay-Z, un peu de Michael Jordan et de Magic Johnson, et on a essayé de développer notre propre voie »

Pour son associé Maverick Carter, qui lui a permis de signer un lucratif contrat à vie avec l’équipementier Nike, « celui qui se rapproche le plus d’un modèle, de par sa manière de prendre ses responsabilités et d’être respecté pour plus que ce qu’il est » est Jay-Z, qui a développé un empire sortant du cadre du rap. « On a pris un peu de lui, un peu de Jordan et de Magic [Johnson], et on a essayé de développer notre propre voie. »

« Il n’y a qu’un seul champion, a rappelé LeBron James à son arrivée à Los Angeles. Ne pas l’être ne veut pas dire que vous n’avez pas de succès. » Toujours basketteur, en passe d’ajouter des lignes à la liste de ses records, mais aussi bien plus que ça, « King James » ne veut plus être jugé à la seule aune des titres.