Anna Burns a donné un discours au Guildhall à Londres. / Frank Augstein / AP

« Aucun d’entre nous n’a jamais rien lu de semblable Milkman] auparavant », a affirmé Kwame Anthony Appiah, président du jury 2018 du Man Booker Prize. Anna Burns est devenue mardi 16 octobre la première nord-irlandaise à remporter ce prestigieux prix littéraire décerné chaque année au meilleur ouvrage de fiction en langue anglaise. Le jury a qualifié de « totalement singulier » et de « très puissant » son roman Milkman, une exploration de la violence omniprésente durant la période des Troubles en Irlande du Nord.

Bien que se déroulant dans une ville anonyme, Milkman est indubitablement inspiré de l’expérience d’Anna Burns, née à Belfast en 1962 et qui a grandi pendant la période des Troubles qui a ensanglanté la province britannique pendant trois décennies, à l’heure où le Brexit fait craindre une résurgence des tensions.

Ecrit à la première personne, d’une traite et sans paragraphe, ce qui peut en rendre la lecture aride, Milkman évoque la violence militaire mais aussi sociale au travers du regard d’une jeune fille de 18 ans, confrontée aux rumeurs. Non nommée, si ce n’est par le qualificatif de « sœur cadette », elle aime lire, et se plonge dans les livres, y compris dans la rue, s’isolant ainsi de la violence ambiante, jusqu’au jour où un homme bien plus âgé qu’elle et marié ne commence à la poursuivre de ses assiduités non désirées.

Une notoriété internationale

Pour le quotidien The Guardian, plus qu’à la violence d’Etat ou des paramilitaires, l’auteure s’attaque « aux forces plus insidieuses que sont l’oppression exercée par le tribalisme, le conformisme, la religion, le patriarcat, la vie dans une méfiance généralisée et la peur permanente ».

Anna Burns, qui vit aujourd’hui dans le Sussex, dans le sud de l’Angleterre, l’emporte devant cinq autres finalistes dont la favorite des bookmakers, la jeune britannique Daisy Johnson, 27 ans, sélectionnée pour Everything Under, qui évoque les souvenirs d’enfance de Gretel, qui vivait sur une péniche avec sa mère, avant que celle-ci ne l’abandonne, et l’Américain Richard Powers nommé pour son éco-roman The Overstory (L’Arbre-Monde pour sa traduction en français).

Elle remporte une récompense de 50 000 livres (environ 56 500 euros) mais surtout une notoriété internationale immédiate qui devrait propulser les ventes de son roman. Bloomsbury, éditeur de l’Américain George Saunders, a vendu plus de 230 000 exemplaires de son livre Lincoln in the Bardo, lauréat en 2017, 70 % des ventes ayant été réalisées après la récompense.