Une Rolls Roys est parquée devant l’entrée du restaurant et une queue discrète se forme dès l’ouverture, devant le personnel qui accueille chacun en le saluant par son nom de famille. En fond sonore, les premières notes d’un piano électronique reprennent Douce France de Charles Trenet. Ce mercredi 17 octobre, dans les sous-sols de l’agence d’Air France de la place des Invalides, la soirée de « résistance » du célèbre restaurant Chez Françoise, haut lieu de la gastronomie parlementaire parisienne, s’annonce au mieux.

Dès l’entrée, le livre d’or de la brasserie un peu surannée, située à quelques pas de l’Assemblée nationale et des ministères du 7e arrondissement, s’ouvre sur une dédicace signée la veille par François Hollande : « Avec le plaisir de tant de déjeuners et de dîners sous tous les temps et quelles que soient les majorités, toujours avec des amis », écrit l’ancien président de la République, longtemps un habitué de cette table, du temps où il dirigeait le Parti socialiste. Edith Cresson ouvre le bal des hommages. Autour de l’ancienne première ministre de François Mitterrand, circulent des vieilles gloires de la politique des années 1990 et 2000, comme de nombreux anciens journalistes politiques, entre une assiette de ris de veau et des huîtres d’Oléron. De nombreux sénateurs avaient fait le déplacement pour « défendre une institution en danger », dénonçant même pour certains « un scandale ».

« David contre Goliath »

Tous sont venus soutenir, le temps d’un buffet gueuleton, la pérénité de cette institution dont l’existence est mise en cause par un projet de réaménagement de l’aérogare d’Air France. La bâtisse abrite, outre la compagnie aérienne, une déchetterie, un gymnase et le fameux restaurant. 18 000 mètres carrés au cœur du triangle doré entre les Invalides, le Quai d’Orsay et l’Assemblée nationale, que la mairie de Paris, propriétaire des lieux, voudrait mettre en valeur. Dans le cadre de l’appel à projets « Réinventons Paris », quatre dossiers ont été déposés par des promoteurs. Mais de leurs projets, il n’est guère question ce mercredi soir. Tout juste signe-t-on la charte des « Amis de Chez Françoise », en se faisant prendre en photo.

A droite, Christian Jacob, député LR des Yvelines, est là, comme Pierre Méhaignerie, l’ancien garde des sceaux du gouvernement Balladur. A gauche, on peut apercevoir Bruno Le Roux, longtemps président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale et éphémère ministre de l’intérieur sous le quinquennat Hollande. Ou encore Jérôme Guedj, l’ancien frondeur du PS, ou Jean-Vincent Placé, l’ex-sénateur et ministre écologiste...

Pascal Mousset, propriétaire de Chez Françoise, n’a aucun effort à déployer pour faire jouer chez ses invités la corde sensible de la nostalgie : « C’est un club démocratique qui a connu moultes alternances et qui est un lieu où se discutent les alliances et les amendements. On a trois ans pour convaincre et c’est un peu le combat de David contre Goliath ». Le restaurateur annonce le soutien des absents, tels Franck Riester, nouveau ministre de la culture, ou Guillaume Gomez, le chef cuisinier de l’Elysée, « très peiné que cette institution disparaisse ».

Le maire LR du 6e arrondissement, Jean-Pierre Lecoq, acquiesce, lui qui est venu soutenir en voisin « une PME qui craint de se faire évincer ». Le cabinet de Jean-Louis Missika, adjoint d’Anne Hidalgo à l’urbanisme, rétorque que la mairie de Paris est favorable au fait que le restaurant perdure dans les futurs aménagements : « Nous l’avons incité à se rapprocher des porteurs de projets afin qu’il soit inclu dans la restauration des lieux », précise-t-on. Les candidats sont entendus jeudi 18 octobre par un jury. « On saura comment ils envisagent le lieu », explique l’Hôtel de ville. Avec ou sans Chez Françoise.