Bruxelles a entamé jeudi 18 octobre un bras de fer avec la coalition populiste au pouvoir en Italie en réclamant officiellement des « clarifications » à Rome quant à son dérapage budgétaire « sans précédent dans l’histoire du Pacte de stabilité et de croissance ».

Comme l’ensemble des pays de la zone euro, l’Italie a envoyé lundi son projet de budget 2019 à l’exécutif européen. Dans une lettre adressée à Rome, la Commission demande à l’Italie de lui présenter ses observations avant « le lundi 22 octobre à midi ». Bruxelles dénonce un risque de « non-conformité grave » avec les règles européennes, qui pourrait l’amener à rejeter ce budget, ce qui ne s’est encore jamais produit dans l’histoire de l’UE.

La trajectoire budgétaire présentée, avec un déficit public à 2,4 % du produit intérieur brut (PIB), est très éloignée des 0,8 % promis par le précédent gouvernement de centre gauche. Rome entend donner un coup de fouet à la croissance par une demande plus forte et plus d’investissements. Parmi ses mesures phares : un départ en retraite facilité et un revenu de citoyenneté pour les plus modestes. Mais ce budget inquiète, car Rome affiche, après la Grèce, le ratio d’endettement (131 % du PIB) le plus élevé de la zone euro.

Les autres pays de la zone euro, soumis aux mêmes règles budgétaires, observent de près les échanges entre l’Italie et la Commission, mise au défi par le gouvernement italien, formé de la Ligue (extrême droite) et du Mouvement 5 étoiles (M5S, antisystème). Le commissaire aux affaires économiques, Pierre Moscovici, devait remettre en main propre au ministre des finances italien, Giovanni Tria, cette lettre de clarifications, avant une conférence de presse commune à Rome.

« Nous nous attendions à des observations »

« Nous savions que ce budget, pensé pour satisfaire les exigences des citoyens italiens, longtemps ignorées, n’était pas conforme aux attentes de la Commission européenne. Nous nous attendions donc à des observations », a répondu le président du Conseil italien, Giuseppe Conte, sur Facebook. Evoquant un échange « normal » entre la Commission et les Etats membres, il a souligné que l’Italie ne serait pas la seule à recevoir une lettre. Selon plusieurs sources, l’Espagne, la France, le Portugal et la Belgique devraient également en recevoir une, mais il s’agirait dans leur cas d’une simple demande d’informations.

Le budget italien est « bien pensé, bien construit et bien réalisé », a affirmé M. Conte, qui a déjà prévenu qu’il n’existait pas pour lui de marge pour le modifier. « Le dialogue ne nous effraie pas à condition qu’il soit constructif et utile, et sans préjugés », a-t-il insisté. « Nous ne nourrissons aucune espèce de préjugé négatif », lui a répondu le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker.

M. Conte, qui a participé jeudi au sommet européen à Bruxelles, a multiplié les rencontres bilatérales. Interrogée en marge du sommet, la chancelière allemande, Angela Merkel, a renvoyé la balle à la Commission et plaidé « le dialogue » avec Rome, quand son homologue néerlandais, Mark Rutte, s’est, quant à lui, dit « très préoccupé ». « Après dix ans passés en procédure de déficit public excessif, la France ne donne pas de leçon », a, pour sa part, commenté le président français, Emmanuel Macron.