Le journaliste saoudien Jamal Khashoggi, lors d’une conférence de presse à Manama, Bahreïn, le 1er février 2015. / Hasan Jamali / AP

Le Washington Post a publié, mercredi 17 octobre, ce que le quotidien américain présente comme la dernière contribution du journaliste saoudien disparu Jamal Khashoggi.

Dans cet éditorial, M. Khashoggi, disparu le 2 octobre après être entré au consulat saoudien d’Istanbul, évoque la nécessaire liberté de la presse dans le monde arabe. Pour le collaborateur du Washington Post, qui s’était installé aux Etats-Unis en 2017, cette liberté manque cruellement dans le monde arabe. « Hélas, cette situation ne changera probablement pas », déplore-t-il.

« Il y avait un temps où les journalistes ont cru qu’Internet allait libérer l’information de la censure et du contrôle associé à la presse écrite. Mais ces gouvernements, dont l’existence même s’appuie sur le contrôle de l’information, ont bloqué de manière agressive Internet ».

« Rideau de fer »

Selon lui, « le monde arabe fait face à sa propre version du rideau de fer, imposé non pas par des acteurs externes mais à cause des forces nationales se disputant le pouvoir ».

Et l’éditorialiste, critique du pouvoir de Riyad, de citer le Qatar, grand rival de l’Arabie saoudite au Moyen-Orient. « Le gouvernement du Qatar continue à soutenir la couverture des informations internationales, contrairement aux efforts de ses voisins visant à maintenir le contrôle de l’information afin d’appuyer l’ancien ordre arabe », note-t-il à propos du pays d’où émet la chaîne Al-Jazira.

Alors que les soupçons d’un assassinat de Jamal Khashoggi par des tueurs envoyés par royaume wahhabite se font de plus en plus tenaces, le quotidien de référence américain explique avoir finalement décidé de publier cette tribune.

« J’ai reçu cette tribune envoyée par le traducteur et assistant de Jamal Khashoggi le lendemain du jour où Jamal a été porté disparu à Istanbul. Le [Washington] Post a retardé la publication parce que nous espérions que Jamal allait revenir vers nous afin que nous l’éditions avec lui », explique un court paragraphe d’introduction rédigé par l’éditorialiste Karen Attiah. « Maintenant je dois l’accepter : ça ne va pas arriver. Ce sera sa dernière contribution », ajoute-t-elle.

« Cet éditorial saisit parfaitement son engagement et sa passion pour la liberté dans le monde arabe. Une liberté pour laquelle il a apparemment donné sa vie ».

Trump nie couvrir les Saoudiens

Mercredi, le président américain Donald Trump a nié chercher à couvrir les alliés saoudiens des Etats-Unis dans l’affaire Jamal Khashoggi. « Je ne couvre pas du tout » les Saoudiens, a assuré M. Trump à des journalistes à la Maison Blanche. « Je veux juste savoir ce qui se passe », a-t-il ajouté, disant s’attendre à ce que la vérité éclate « d’ici à la fin de la semaine », alors que sont publiés dans la presse des détails effroyables sur le possible assassinat.

Un prochain indice de la position américaine devrait venir de la décision du secrétaire au Trésor Steven Mnuchin, qui a promis de décider jeudi, « sur la base du rapport du secrétaire d’Etat Mike Pompeo » de retour d’Arabie saoudite, s’il se rend ou non à une conférence économique organisée à Riyad et boycottée par un nombre croissant de personnalités.

Signe de la complexité du dossier pour les Américains, M. Trump, dont le mandat a été jusqu’ici marqué par un resserrement des relations avec la monarchie saoudienne, a souligné les énormes intérêts stratégiques qui lient les Etats-Unis à l’Arabie saoudite. Il a déclaré que Washington avait besoin du royaume dans la lutte contre le terrorisme et contre l’Iran chiite. Et insisté une nouvelle fois sur la coopération militaire et sa dimension économique, soucieux, dit-il, de ne pas perdre « un énorme contrat » d’armement qu’il chiffre à 110 milliards de dollars – même si l’essentiel des ventes ne s’est pas encore concrétisé.

« Les Saoudiens sont d’excellents partenaires » sur beaucoup de sujets, « et il faut bien garder à l’esprit qu’on a beaucoup des relations importantes, des relations financières entre des sociétés américaines et saoudiennes, des relations gouvernementales », a renchéri Mike Pompeo.

A cet égard, des sénateurs démocrates ont réclamé que le président Trump rende publics ses éventuels liens financiers avec le géant pétrolier, s’inquiétant d’éventuels « conflits d’intérêts ».