Le consulat américain à Jérusalem, le 18 octobre. / THOMAS COEX / AFP

Les Etats-Unis n’auront plus de représentation diplomatique à Jérusalem chargée des contacts avec les dirigeants palestiniens. Le consulat, qui remplissait cette mission depuis des décennies, sera fusionné avec l’ambassade, qui a été déménagée de Tel-Aviv à Jérusalem en mai. Cette décision a été annoncée par Washington jeudi 18 octobre.

Le secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, a publié un communiqué dans lequel il justifie la mesure par un souci d’« efficacité ». « Cela ne signale pas un changement de politique américaine à Jérusalem, en Cisjordanie et à Gaza », affirme-t-il.

La fusion entre le consulat et l’ambassade se traduira par la création au sein de cette dernière d’une simple unité consacrée aux affaires palestiniennes. Le secrétaire d’Etat américain souligne que son pays « continue à ne pas prendre position sur les problèmes de statut final, notamment les limites et les frontières ». Il fait ainsi référence, entre autres, à la question de la souveraineté de Jérusalem, qui devrait devenir capitale pour les deux Etats, selon le consensus international en vigueur depuis les accords d’Oslo (1993). Le communiqué n’emploie pas l’expression « solution à deux Etats ».

La Maison Blanche peu soucieuse des questions d’équilibre

Ces gages purement formels n’adoucissent en rien la force symbolique de la décision américaine. En février, peu avant le déménagement de l’ambassade à Jérusalem, le département d’Etat assurait que le consulat poursuivrait sa mission. Cette dégradation administrative, derrière un jargon technique qui ne trompe personne, confirme une nouvelle fois à quel point la Maison Blanche a épousé les vues de la droite israélienne et ne se soucie nullement des questions d’équilibre.

« L’administration Trump indique clairement qu’elle travaille avec le gouvernement israélien afin d’imposer un Grand Israël, plutôt que la solution à deux Etats sur la base des frontières de 1967 », a réagi Saeb Erekat, secrétaire général de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP). Selon ce vétéran des négociations bilatérales depuis trente ans, « l’administration Trump fait partie du problème, et pas de la solution ». Ce rejet de toute médiation américaine, jugée biaisée et impartiale, est la ligne du président palestinien, Mahmoud Abbas, depuis janvier. Washington veut lui faire payer cette rupture.

Dans la foulée de la reconnaissance unilatérale de Jérusalem comme capitale d’Israël par Donald Trump, début décembre 2017, les Etats-Unis ont mis fin à leur contribution à l’UNRWA, la mission de l’ONU chargée des réfugiés palestiniens et de leurs descendants, gelé les fonds versés à l’Autorité palestinienne et enfin, en septembre, fermé la représentation de l’OLP à Washington.

Un « processus de fragmentation d’un peuple entier »

La fermeture du consulat est donc une nouvelle humiliation infligée à l’Autorité palestinienne (AP). « Cette décision dévalorise les relations diplomatiques avec les Palestiniens, souligne Dan Shapiro, ancien ambassadeur américain en Israël, aujourd’hui analyste. Elle n’est pas cohérente avec l’objectif de parvenir à la solution à deux Etats, et c’est comme cela qu’elle sera perçue par les deux côtés. Il est très improbable que l’AP voudra avoir des contacts avec le gouvernement américain à travers l’ambassade en Israël. »

Et ce d’autant que l’ambassadeur actuel, David Friedman, nommé par Donald Trump, est un partisan déclaré des colonies en Cisjordanie et qu’il s’était constamment opposé, avant son arrivée en poste, à la création d’un Etat palestinien. Le 16 octobre, sur son compte Twitter, il faisait la publicité de son déplacement du jour dans la colonie d’Ariel, sur l’invitation de la chambre de commerce de « Judée-Samarie ». 

Au moment même où les Etats-Unis annonçaient la disparition de leur consulat, un homme à New York dressait l’acte d’accusation de l’occupation. Il s’agit de Hagaï El-Ad, le directeur de l’ONG israélienne B’Tselem, qui documente les violations des droits de l’homme, notamment en Cisjordanie. Hagaï El-Ad s’exprimait devant le Conseil de sécurité de l’ONU.

Dans un discours implacable, il a dénoncé la « routine de l’occupation » : « Tout ceci est souvent présenté comme “le statu quo”, a-t-il dit. Pourtant, cette réalité n’a rien de statique. C’est un processus calculé et délibéré de fractionnement d’un peuple entier, de fragmentation de leur territoire, et de perturbation des vies des Palestiniens. C’est un processus de séparation de Gaza et de la Cisjordanie, et la Cisjordanie de Jérusalem-Est, de division du reste de la Cisjordanie en petites enclaves. Au bout du compte, il n’en reste que des morceaux isolés, bien plus faciles à opprimer. »

Hagaï El-Ad a appelé le Conseil de sécurité des Nations unies à l’action, en estimant que « l’ordre international fondé sur le droit ne se défendra pas tout seul ». Sa précédente intervention dans cette enceinte, en octobre 2016, avait provoqué une avalanche de critiques de la part de la droite israélienne, contestant au militant le droit de critiquer son pays à l’étranger. « Comment je définirais B’Tselem ? C’est une honte », avait déclaré Benyamin Nétanyahou, le 14 octobre.