Bernard Laporte, le 2 février 2018 à Marcoussis. / CHRISTOPHE SIMON / AFP

C’est à n’y rien comprendre. Le 4 juillet, avant même la mort d’un joueur professionnel en marge d’un match amical, d’un malaise cardiaque, la Fédération française de rugby (FFR) et la Ligue nationale (LNR) annonçaient des mesures pour calmer les inquiétudes sur la santé des joueurs. Les équipes professionnelles du championnat de France peuvent désormais aller jusqu’à remplacer douze joueurs au cours d’un même match, contre huit auparavant. Ces quatre remplacements supplémentaires étant autorisés pour qu’un joueur déjà sorti « pour raison tactique » ait le droit de rentrer sur le terrain et de remplacer « tout joueur blessé, quel que soit son poste ».

Sauf que, trois mois après cette première annonce, la règle semble ne pas convenir à… Bernard Laporte, président de la FFR. Après avoir autorisé ces douze remplacements, le dirigeant déclare à présent vouloir limiter à quatre le nombre de changements permis. « C’est ça, l’avenir », a-t-il déclaré lors de son intervention, mercredi 17 octobre à Paris, dans un bureau de l’Assemblée nationale.

Mercredi soir, M. Laporte a fait cette déclaration en petit comité : aux côtés de Paul Goze, son homologue de la LNR, il s’exprimait face aux députés membres de l’Amicale parlementaire du rugby, sous la coordination de Philippe Folliot, élu (LREM) du Tarn. Ouverte aux journalistes, la table ronde avait choisi un titre d’actualité, au regard des collisions qui se multiplient sur les terrains : « Quel rugby pour demain : affrontement ou évitement ? »

Le président de la FFR explique avoir déjà « présenté » ce nouveau projet de règlement « il y a trois semaines à Sydney », lors du comité exécutif de World Rugby, la fédération internationale, où il siège en tant que membre. Son argument : du fait de la fatigue des joueurs « s’il ne faut faire entrer que quatre joueurs », « il y aurait de plus en plus d’espaces » au cours des matchs. Et donc de moins en moins de collisions.

Le contre-exemple de Toulon

Selon Bernard Laporte, seule une nation s’est montrée défavorable à sa proposition : la Nouvelle-Zélande, double championne du monde en titre. « Bien sûr, ils ont un banc [de remplaçants] aussi fort que les titulaires. Donc, eux, ils préfèrent qu’on fasse rentrer les huit remplaçants », a avancé le dirigeant français.

Dans une vie antérieure, le président de la « fédé » a été secrétaire d’Etat aux sports (2007-2009) du gouvernement Fillon, mais aussi entraîneur du Rugby-club toulonnais (RCT). L’ironie étant que Bernard Laporte connaît très bien les dérives possibles des remplacements multiples… pour en avoir lui-même profité lorsqu’il s’agissait de gagner trois Coupes d’Europe d’affilée (2013-2015) : «On met six avants remplaçants sur le banc, en se disant :’On va les [les adversaires] fracasser devant’. Les première-ligne, vous entrez à la 50e [minute]. Les deuxième-ligne, vous entrez à la 55e.’ » Dit autrement : avec autant de remplacements, « c’est un deuxième match qui commence pour les mecs », et donc une seconde séquence de collisions potentielles à pleine puissance.

Reste une question. Pourquoi, alors, avoir autorisé en France, il y a trois mois à peine, le passage de huit à douze remplacements ? « Avec tous les problèmes de sécurité », a expliqué Bernard Laporte, il fallait bien faire quelque chose. Qu’il faudrait donc, selon lui, défaire aujourd’hui.