Ambre, de Dijon, 25 ans et volontaire en service civique.

Voix d’orientation. Le Monde Campus et La ZEP, média jeune et participatif, s’associent pour faire témoigner lycéens et étudiants de leurs parcours d’orientation. Cette semaine, Ambre, 25 ans, de Dijon, volontaire en service civique.

Jusqu’à bac +3, mon orientation s’est faite au « petit bonheur la chance » ! Au lycée déjà, comme je ne savais pas ce que je voulais faire et pour ne pas me fermer des portes, mes parents ont préféré que j’aille en ES. Mes amis me qualifiaient de « L contrariée ». Pour être sincère, je n’entrais dans aucune case des filières générales : j’adorais les sciences dures aussi bien que les sciences sociales et la littérature.

Après avoir échoué aux concours de Science Po Paris et des IEP de province, je me suis dirigée vers le plan B : la prépa. Parce que : je ne savais pas ce que je voulais faire ; je savais que si j’allais à la fac, sans être un minimum encadrée, j’allais à l’échec ; cette filière pouvait combler mon besoin de nouvelles connaissances et d’émulation ; Et, bon, ça fait bien sûr le CV.

J’aurai préféré aller en prépa éco (pour les sciences sociales), mais comme j’étais une « brêle » en maths, je me suis résolue à aller en prépa littéraire (hypokhâgne – « khâgne » pour les intimes).

Aucune idée de ce que je veux faire

Je suis allée au bout des deux ans, sans réellement viser le concours, mais fière d’être arrivée jusque-là. La prépa a vraiment été un petit paradis d’émulation intellectuelle et j’ai encore quelques restes de culture G et de maîtrise de la langue française… J’ai néanmoins gardé comme sale habitude de faire des phrases à rallonge, agrémentées de beaucoup (trop) de virgules. Pas très pertinent dans le monde professionnel…

Arrivée bac +2, alors que certains ont un diplôme professionnalisant en poche, moi je ne sais toujours pas ce que je veux faire « plus tard ». Encore une fois, pour la culture générale et parce que ça fait bien sûr le CV, je fais une troisième année de licence en sciences politiques à l’université Panthéon-Sorbonne-Paris-I (s’il vous plaît !). Proche de la fin d’année, je me dis « écoute cocotte, t’es presque bac +3, s’agirait p’t’être de faire des études en vue d’un métier, et pas juste pour le fun et parce que ça fait bien sûr le CV ». Je dis ça de manière légère, mais à l’époque c’est réellement angoissant. J’ai plus de 20 piges et absolument aucune idée de ce que je veux faire de ma vie, nada !

Recommandée par un proche, j’ai pris contact avec une professionnelle privée de l’orientation (le service public n’ayant pas été d’une aide foudroyante). Elle m’a permis de me poser les bonnes questions, de sortir de mes cercles mentaux, infernaux et ineptes. On est arrivé à cerner un peu plus mon projet pro : l’environnement, plus précisément la gestion d’espaces naturels.

J’ai alors pris contact avec des professionnels du milieu, pour qu’ils me racontent leur métier au quotidien. Et, en filigrane, j’espérais commencer à nouer des contacts. Je me suis fait refouler. Trois personnes m’ont répondu sur la dizaine contactée, un seul a pris le temps d’un entretien téléphonique pour me dire que si je n’ai pas fait école d’ingé, c’est mort. Super ! Merci des encouragements.

Un master trop généraliste

J’ai envisagé de reprendre mes études depuis le début quand j’ai appris que des masters formaient à ces métiers ! Ô joie, je me suis dirigée donc vers un master en géographie et gestion des territoires. Première année plutôt généraliste, deuxième année franchement spécialisée dans l’environnement. Mais je pressentais déjà que ce master qui se veut professionnalisant ne l’était en réalité pas du tout. Très généraliste, il ne me préparait pas à un métier en particulier !

Aujourd’hui, je suis diplômée depuis deux ans ; et donc en recherche d’emploi ; et donc chômeuse. Je ne sais toujours pas avec certitude quel métier je veux faire et ni à quel poste je veux être. Et ça se retrouve dans la sélection d’offres d’emploi variées auxquelles je réponds (bien que toujours liées à la gestion des espaces naturels).

Les fiches de postes qui me plaisent me donnent l’impression qu’il me faudrait trois masters et deux licences pour contenter leurs attentes, tout en ayant (bien sûr) de l’expérience de terrain depuis mon adolescence. J’ai l’impression que les personnes qui savent très tôt ce qu’elles veulent faire, qui ont suivi la voie royale, sont privilégiées et qu’il n’y a pas de place pour les hésitations ou les vocations sur le tard. J’ai donc décidé de faire un service civique pour avoir un minimum de revenus, mais aussi dans l’espoir d’acquérir ces compétences de terrain qui me manquent du fait de mon orientation tardive. Si cela ne devait pas suffire, rempiler sur un nouveau diplôme est aussi envisagé.

Au profil dont il ne sait que penser

D’un autre côté, je candidate aussi à des postes pour lesquels je suis surdiplômée mais qui m’apparaissent aujourd’hui comme les plus épanouissants ! A posteriori, en vue des entretiens, j’ai reconstruit un fil conducteur dans mon orientation, pour garder la face devant les recruteurs. Mais, en vrai, c’est du blabla. Même si j’affiche plutôt fièrement mon parcours, j’ai la sensation que les hésitations, les choix par défaut, pas mûrement réfléchis, n’ont pas de place légitime ni de reconnaissance dans le monde du travail. Cela ne fait pas sérieux…

Le sentiment qui m’anime aujourd’hui, c’est l’injustice : j’ai la sensation qu’entreprendre des études supérieures est reconnu et valorisé par le système (et donc les personnes), et qu’on pousse les jeunes dans ce sens. Or, on se retrouve à galérer après, avec notre bac +5 en poche, dont se rengorge notre entourage, mais qui nous rend pas du tout apte au milieu professionnel. Au contraire. Après cinq ans d’études post-bac et deux ans « dans la vie active », j’ai l’impression que faire des études longues n’atteste en rien de tes capacités intellectuelles, juste de ta capacité à engranger des connaissances et à les restituer.

J’espère toujours tomber sur un recruteur qui verra dans mon parcours l’expression d’une personne curieuse aux compétences multiples, quelqu’un avec qui il a envie de travailler, qu’il a le désir de former, et pas une personne indécise, au profil dont il ne sait que penser. A bon entendeur.

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La zone d’expression prioritaire (ZEP) accompagne la prise de parole des 15-25 ans

La zone d’expression prioritaire (ZEP) est un dispositif d’accompagnement à l’expression des jeunes de 15 à 25 ans par des journalistes professionnels. Par l’intermédiaire d’ateliers d’écriture dans des lycées, universités, associations étudiantes ou encore dans des structures d’insertion, ils témoignent de leur quotidien et de l’actualité qui les concernent.

Tous leurs récits sont à retrouver sur Le Monde Campus et sur la-zep.fr.